C’est la main de l’homme ouvrier
Qu’on voit s’envoler en fumée,
Là, dans les flammes ;
C’est l’histoire de l’humanité ;
Tu sais, c’est quand on bâtissait
L’inatteignable ;
Ce sont les siècles de prières ;
Ce sont les siècles de sanglots
Des Misérables ;
Quand ce que l’Homme a fait de mieux
Part en poussière devant les yeux :
C’est l’impensable !
C’est les hommes morts tombés du toit ;
C’est les charpentes dignes des rois ;
C’est la Beauté…
C’est l’art sacré des mains de l’Homme,
Je crois, voulant parler à Dieu
D’éternité…
Toi, les prières des millénaires,
Toi, les cierges des bords de Seine,
Triste Paris !
Oui, la blessure restera, là,
Gravée dans le cœur, pour que, plus
Jamais, l’oublie…
Je pleure, je pleure, et mes sanglots
Ne peuvent rien contre les flots
Du Ciel en feu.
Toi, qui auras fait écrire Hugo,
Toi, l’abri de Quasimodo,
Touchant les cieux,
Toi, les murs de l’éternité,
Moi, quand j’étais agenouillé,
Chantant Marie !
Toi, qui auras survécu les guerres,
De te voir, luttant les Enfers :
Quelle tragédie !
Toi, qui resteras sur la Terre,
Quand on aura tout détruit, toi,
L’art du sacré,
Toi, la gothique, toi, la baroque,
Toi, le symbole de cette époque
De crucifiés,
Oui, toi, la flèche tombée au feu :
Pourvu qu’un jour, face à nos yeux,
Soit renaissance ;
Oui, pourvu que l’humanité,
Oui, face à la fatalité,
Soit résilience !
Quand les rues de Paris, soudain,
Dans leur chagrin, virent au silence
Des églises,
Devant la tragédie, au sein
Du Saint des Saints, le Saint-Esprit
N’est plus de mise…
Toi, de Paris, reine des fleurs,
Toi, l’autel, accueillant les pleurs
Du désespoir,
Du richissime aux pauvres gens,
À faire de l’athée le croyant,
Par le regard…
Nous pleurons de tristes sanglots,
Qui ne peuvent arrêter les flots
De la tristesse :
De voir Mère de Quasimodo,
Oui, mettre le Ciel en flambeaux,
Sonnant la messe…
De la Mille Ans qui, dans mille ans,
Sera toujours le testament
Du souvenir
Des sanglots des millions de gens
Qui te regardent, les yeux pleurant :
Comment te dire…?
Notre-Dame, tu renaîtras
Pour que, dans dix mille ans de ça,
Vienne un enfant,
Vienne, au devant, lire ton histoire,
Pour comprendre, bien mieux que nous,
L’histoire d’avant,
Que, bien plus que nos tristes vies,
Certaines choses n’ont pas de prix,
C’est l’Histoire,
Oui, qu’on a bien du mal, ici,
À protéger contre la nuit,
Courte mémoire…
Mille ans d’Histoire, partis en feu :
Pourquoi t’as pas pleuré, Bon Dieu,
Un ciel d’orage ?
Histoire que tes sanglots, un peu,
Viennent éteindre l’Enfer des Cieux,
De ce carnage,
De ce ciel, qui ne sera plus
Jamais le même, puisque, perdues,
Vont nos mémoires -
L’histoire des Hommes, pendant des siècles,
Qui auront construit, force des mains,
Oui, notre Histoire…
J’ai pas les mots, j’ai pas les mots,
Et puis, que dire, face à ce monde
Inconcevable,
Oui, où tout se barre en lambeaux,
Mais, surtout, où jamais personne
N’est responsable ?
Un incendie en bord de Seine
Venu brûler l’Histoire de l’Homme,
Moralité :
L’Homme est toujours le criminel,
Triste de lui, oui, de sa propre
Éternité ! © Damien Saez