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Un plaisir de lire vos retours. Merci, amis!
Nous nous verrons bientôt, peut-être très bientôt :)
Qui est là ?
Ils demandent tous qui est là
En mettant la main sur leur front
En mettant la main sur leur cœur
En mettant la main sur leur carte d’identité
En explorant leur arbre généalogique
En observant leurs miroirs
Leurs miroirs
Qui est là ?
Ils demandent tous à voix basse et honteuse
En regardant leurs mains toutes neuves
Neuves jusqu’à la fin des temps, qu’une journée dans l’océan érafle, blanchit, qu’une poignée de mains
Fatigue
Qui est là?
En regardant leurs mains en y mettant leurs pieds
En mettant leur menton contre leurs genoux, sous leurs draps, dans le secret de leurs solitudes, dans leurs chambres glacées, leurs appartements et leurs maisons vides ou vidés, ils gémissent qui est là, qui est là, qui est
Là
Qu’elles sont amères, les larmes qui descendent dans ma gorge
Moi
Qui suis là, à leurs pieds, chaque jour
Un panneau dans les mains comme certains ont pris
Un rocher dans les mains au bord d’un précipice
Moi
Qui suis là
Tout comme eux
Exactement comme eux, mais sans rien demander
Ils passent
Ils sont passés
J'aime beaucoup le changement de point de vue... Et ce que j'aime par dessus tout, c'est ta capacité à créer l'émotion sur une tournure, une répétition ou un simple mot. Oui je crois que j'aime vraiment cette simplicité :)
Merci. J'ai voulu faire simple. Je n'y suis pas assez parvenu, et j'en suis seul responsable!
J'ai toujours eu du mal à faire simple. Pourtant je tiens la simplicité en très haute estime.
Haha! Cool, critique negative!
Merci. :)
Nous sommes les vides que nous comblons: outch.
Salut vieux flingue.
Tu permets je te dis vieux pour souligner ce que les griffes du temps font à nos corps.
Je viens mettre un peu de ma peau d'encre morte contre la tienne. Comme cette première poignée de main qui s'est serrée à notre rencontre, peut être trop fort notre poigne, vas savoir maintenant ce qui lie les coeurs des hommes entre eux à se frotter les joues l'une à l'autre - c'est le salut d'une famille quand les Inconnus ne sont plus clés à saisir
J'y ai repensé. Nuit d'étoiles dissimulées dans l'abat jour du ciel de Toulouse. Une fleur qui parfume de son odeur les lèvres d'un fou d'automne. La main chaude d'un rêve qui éclos.
Je t'ai dis que je ne rêve plus ?
Songes déserts, petits princes absents.
J'ai troqué les angoisses de mes cauchemars et les mensonges du rêve contre une éternité de l'instant.
Je laisse le rangement de mon être aux allumeurs de réverbères et coupe publique oblige, les chaussées du fond des mes tiroirs cérébraux ont des nids de poules. Pas d'oeufs d'or ni de dents pour autant. Ne serait-ce que la conviction qu'une pierre philosophale luit au loin.
Les poiriers sont en fleurs. Tâche de coton ou Gaule résistance au milieu des champs où soufflent les brouillards de la mort ?
Je crois qu'après bien des jours de nuit, je suis remonté à la source.
J'ai trouvé le clair des obscures qui recouvrent mon âme de son linceul. Elle était là, sèche, sans qu'aucune pluie ne soit tombée dessus. Je porte reconnaissance aux heures absentes de tout, celles qui mettent le doigt sur les arides.
Tu sais pleurer encore toi?
Moi j'ai oublié à quel point l'on sait s'étrangler soi-même
À croire qu'une seule goutte de trop des fois suffit à goûter l'opacité que l'on assiège contre sa propre tempe, un presque rien d'un grand tout qui est la virgule manquante ou la parenthèse pour terminer ces paragraphes de démence.
Tu sais vieux flingue, tu ressemblais à Mickaël. Tu avais en commun avec lui les baisers d'une rousse, le coeur d'un bourgeon que l'on tend à offrir...
Me manque la voix de Mickaël. Et son innocence face aux mystères qui frappent. Penché dans le platane tu l'aurais vu, en roi sur sa chaise à contempler les ruines de ce monde.
C'est notre enfance qui se vautre au rythme des danses. C'est l'enfance qui s'écrase et les amoureux qui se séparent. Des tombés des falaises et d'autres qui s'y jettent...
Alors je tiens la gâchette face au vide creusé des instantanés.
Les balles restent les mêmes, calibrés à la mesure du tireur, mais où sont passées les cibles ?
Elles n'ont plus le temps de courir, le coeur à fermé la chasse, les poudres ne servent plus qu'à se priser le peu d'esprit qu'il reste .
Faut repasser les plis qu'ils disent.
Alors je froisse ma feuille et croise les doigts. Des pétales s'envolent au vent...
Cher bon vieux flingue, tu fais bien de venir me chercher des crosses.
Ne laissez pas tranquilles les silencieux, ils risqueraient de s'abîmer dans ce qui les tient cois.
Il y a déjà quelques semaines que j'ai entrepris de remonter mes rêves- comme on remonte une montre.
Voilà, je suis bien à l'heure. Quand on est rêveur, il faut s'y concentrer. Sinon, même nos rêves nous échappent.
Alors, voilà, cher flingue, je rêve de marche. De campements. De semaines en grappes nonchalantes, à faire rouler entre ses doigts, les yeux plissés de contentement..
De journées passées à détailler l'anatomie de coléoptères.
De nuits passées à détailler l'anatomie de bergères.
De nous coller à la terre- d'y coller nos pattes, d'y coller nos faiblesses pour les conjurer.
De jours passés à panser nos plaies, nos menues blessures.
Faire sa mue, en somme. Quitter la peau des villes, quitter la peau du siècle.
Il y a des aujourd'hui qui sont pires que demain, c'est encore vrai pour nous, c'est encore vrai pour toi et moi, et c'est un baume au coeur, certains de ces pires aujourd'hui.
Voyons nous dans ce demain, dans ce rêve! Il y a trop longtemps que je désire marcher, trop longtemps que je désire étirer mes pas. Avril arrive, et après lui Mai, saison bénie.
On s'est encore sortis des mauvais jours, cette année. La vie afflue en nous, la sève se déshabille et vient nous éveiller. C'est une bonne habitude.
La saison est bonne pour dépasser les plis.
Roule tes feuilles, et croise les doigts.
<3
je m'abonne au cahier de musashi. belle plume!
Salut à toi, @idem ! :) Voici mon faire-part de saison.
Le soleil montait, lentement, clignotant, dans un ciel égal, quoiqu’hérissé par endroits de panaches de vapeur d’eau qu’avaient tracé des avions désormais introuvables.
Au dehors, quelques mètres à peine au-dessus du niveau de la mer, l’air ambiant saturé de gaz d’échappement se réchauffait peu à peu. Comme un animal au sortir de son hibernation, la terre était partagée, hagarde, hésitante.
D’une part, après deux saisons de pourrissements et de sommeil, une faim dévorante de fruits la poussait à s’élancer au plus vite dans une débauche de floraisons, au mépris de tout calcul, mue par un instinct primaire et brutal.
D’autre part, affaiblie et raidie, toute habituée à son immobilité, elle savait devoir ménager ses efforts, prendre toutes les précautions, se méfier d’une ultime perfidie d’un mois de Mars retors, d’un Hiver habitué à laisser traîner son arrière garde dans le museau du Printemps.
C’est pourquoi, frémissante, la Terre avait pris son temps, et ne se réchauffait qu’à petits coups, ou pour ainsi dire, à petites gorgées. Quant à moi, en mon âme, je l’encourageais. Je le lui devais bien.
Le cours naturel des choses était, depuis un siècle au moins, mité par les extravagances d’une locatrice féconde en diable : la race humaine. Il fallait ainsi, aujourd’hui, des efforts épuisants à la Terre pour chercher son équilibre. La mort la plus dense, par larges bandes d’asphalte, s’enroulait autour des prés, étouffait les vallées. Dessus, lancés vers leur destin grotesque, des hommes et des femmes imprimaient une commande inquiète à leurs véhicules. Cri des moteurs, rauque, continu. Cri mécanique, couvrant les murmures organiques. Comment répondre à ces plaintes sans motif, sans lieu d’être ?
Que les rêves mènent loin ! songeais-je, à mon poste dans un bureau de Placoplatre et de tiges d’acier. La question suivante me vint, toute naturelle : à quoi donc rêve la Terre ? A nous, qui lui avons tant pris, nous qui l’avons tant malmenée en l’espace de quelques décennies- pratiquement le temps que dura le règne du Roi Soleil, à peine, en vérité ! A nous, quels rêves enfiévrés réserve-t-elle, et qui verront le jour, eux aussi, bientôt sans doute ?
Je voulais lui parler, négocier pour les miens et pour moi une issue honorable, mais j’étais, avec mes congénères, le seul organisme vivant- ou peu s’en faut- dans mon aire industrielle stérilisée.
à quoi donc rêve la Terre ?
[quote="musashi"]Merci Audrey! Varoise?[/quote]
oui entre hyères et toulon.
Tu es du Var toi aussi?
Merci Audrey! Varoise?
oui entre hyères et toulon.
Tu es du Var toi aussi?
[quote="Maitre Kaio"][quote="musashi"]à quoi donc rêve la Terre ?[/quote]:)[/quote]
😉
à quoi donc rêve la Terre ?
😉
Monsieur Martin est parti au Japon, voir la porte Torii du Lac Biwa. Il a fait ça en Mai, sur la route de Juin. Il y est allé d'un petit coup de bateau, au départ de Marseille. Passé devant le château d'If, il s'est interrogé. If de quoi? la citadelle est en caillasse bien épaisse, on devine à ses murs combien lamentables furent les cris des détenus. S'ils criaient.. Peut-être alors ne criait-on pas, peut-être parce que le cri est un ressort d'espérance, et que, quand il n'y a plus rien à attendre, qu'il fasse noir, qu'il fasse clair, on la ferme.
Monsieur Martin est donc parti au Japon, d'autres vont à Ibiza, peu importe, je suppose. il s'est dit le Japon c'est loin, suffisamment pour me sortir de moi-même; ce moi-même dans lequel je flotte comme dans une chemise de mon père. Il ne crie pas, il ne dit rien. Syracuse s'offre, sèche et chaude. Il ne s'y aventure pas, l'effort, pour l'heure, lui paraît surhumain.
Au Japon, il y a, c'est connu d'ailleurs, des cerisiers en nombre. Enfant, Paul, Monsieur Martin s'appelle Paul, Paul avait des arbres fruitiers chez lui. Un poirier qui donnait d'acides poires, un grenadier (dont il avait aussi croisé, sans comprendre, le nom dans une Histoire des campagnes napoléoniennes), et un cerisier. Vieil arbre au tronc tordu par l'âge, aux branches souples et amples, où nichaient volontiers les oiseaux. Les cerises, Mai venu, venaient bien.
Vogue la galère. Traverser la Méditerranée dans les deux sens c'est facile. Dans l'un, les trafiquants d'êtres humains s'entendent pour lâcher leurs barques dans les rets des gardes côte. Dans l'autre, il suffit de prier pour que l'Egypte à son tour ne tombe pas dans le chaos total. Les attentats y sont nombreux. Presque 100 millions de bonhommes sont massés sur le delta du Nil. Paul passe le canal de Suez. Le trajet qu'il fait n'est pas un trajet raisonnable. La corne de l'Afrique réserve son lot de pirates. Paul passe. Il vivait à Evreux. Ou bien à Evry. Il n'a jamais compris. Tout cela, gris, tiède, sans aspérités, sombre dans sa mémoire comme l'ancre jetée ce soir.
Djibouti. Le soleil, encore à quelques dizaines de mètres enfoncé dans le golfe d'Aden, projette une fine lumière translucide. Débarqué, quelques temps, quelque temps- Paul ne compte plus grand chose déjà. A Djibouti, thé noir très sucré, lahoh, miel de jujubier, la force des arômes redonne à Paul un peu de prise sur son être. Il n'est pas loin de penser que Djibouti irait aussi bien que le lac Biwa. Mais il faudra mettre à la voile bientôt. 3 jours lui sont comptés. Pour Djibouti. Pour manger du chameau, une soupe de fah-fah, des dattes, brûler ses muqueuses avec un riz bourré de berberé, et scruter le Yémen depuis les terrasses ensablées de l'Afrique orientale.
Quelle étrange chose que le dragonnier de Socotra! Cet arbre semble un corail émergé et peint d'un mélange subtil de pigments verts et de poussières. Socotra, dernière relâche, avant de cingler vers Ceylan. Le Sri Lanka. Le rien-à-voir, à des centaines de miles de là. Paul fume, sa gorge est briquet d'amadou.
*
Toucher Colombo, après une traversée que rien ne paraissait pouvoir interrompre. Le bateau-même, alangui, traînait sa déprime sur des eaux à peine plus humides que l'air environnant. Des jours durant, ainsi, avec pour seule surprise le criaillement irrégulier des poulies, avec pour seule musique le bruit de digestion contrariée des moteurs.
De là, une excursion au Sinharaja, dans une jungle épaisse, était proposée. Colombo même donne une vision grouillante de la pauvreté. Paul vraiment n'est plus à Evry. Sa blancheur dénonce en lui le possédant, le riche, le protecteur aussi, s'il se laissait convaincre!
Paul pourtant, halé par le soleil, râpé par les embruns, ne ressemble plus en rien à l'homme qui doubla le Château d'If quelques maigres semaines plus tôt. Il reste encore d'épaisses couches d'Occident en lui, qui ne s'étonnent pas beaucoup du Sri Lanka, ni de quoi que ce soit, d'ailleurs. Ces couches lui font un linceul, dont il apprend à se déshabiller.
En lui se renforce une vie intérieure. De la première partie du voyage, rien dans sa mémoire n'indique qu'il l'ait vraiment vécue. Tout se confond dans un songe qu'il croirait inspiré par le haschich s'il en était familier.
Depuis Djibouti, peu à peu, il s'est comme éveillé. L'hébétude dans laquelle il baignait l'abandonne peu à peu. A nouveau, parce qu'il est habité, il est en mesure d'observer. D'échanger, par le canal de son regard, ce qu'il y a en lui et ce qu'il y a hors de lui. La conversation des yeux, de moins en moins rétive, a repris.
Paul pense à son prénom. A cet homme écrasé de soleil sur le chemin de Damas, il y a deux millénaires, et à l'étonnante correspondance qui se forge parfois, même en Occident, entre un prénom et son porteur- son maître, pour ainsi dire. Se peut-il qu'une chose aussi futile, en apparence, qu'un prénom, affirme en lui la race des convertis, celle des apôtres bouillonnants?
Il s'étonne à penser qu'il puisse, d'une quelconque manière, bouillir.
Tout de même, l'idée le séduit suffisamment pour qu'il accepte de partir en excursion dans la jungle.
Avec lui, quatre de ses camarades de croisière, un couple de jeunes Espagnols vacanciers, un Français dont il ne sait toujours rien et dont il devine qu'il approche de ses trente ans, et une Danoise réservée, dont la présence semble presque féérique sous ces latitudes.
Pour les accompagner, deux guides, des hommes de taille modeste, plus maigres que minces, et deux mulets, aux côtes saillantes, aux flancs battus par leurs paquetages, et qui bronchent, et qui renâclent.
*
La jungle est là, qui les a tous saisis dans son étreinte fourbe. Ici et là, une goutte de pluie quitte le séjour d'une semaine pour s'abattre avec fracas sur la visière des aventuriers, provoquant invariablement les exclamations des Espagnols.
Parfois c'est d'une orchidée que s'échappe, dans un bond, une grenouille aux couleurs impensées. Les mulets se font alors coquets, et la Danoise étudie l'animal d'un regard qui semble avoir compris. Compris quoi?
Le soir venu, la pénombre envahit la jungle. De la clairière, il semble à Paul qu'un léopard agace ses moustaches dans les rhododendrons. Les guides, l'air tendu, ont un fusil chargé à portée de main. Ils sont mutiques. C'est de ces allées et venues grotesques qu'ils vivent: pour eux, affreuse banalité, pour leurs protégés, ravissement complet. Leur vigilance est pour le léopard, pas pour les fleurs écarlates de la jungle. Ils savent, par-delà leur propre mémoire, que la jungle est la plus cruelle sirène. L'oublier, c'est se perdre.
*
Merci NaNNaN (il est bizarre ton pseudo non? ça a une explication qui m'échappe? c'est nan nan?)
Un peu :D Absolument pas, ça vient de mon prénom, avec des lettres en plus et des majuscules.
A lire comme tu l'entends ;)