A une heure où il est facile de parier, pour les raisons que l'on connaît, sur la fin de la formation bordelaise, force est de constater que Noir Désir imprègne avec force une partie de la nouvelle scène française.
Alors que paraît « Nous n'avons fait que fuir », livre/CD, captation d'une prestation de Noir Désir donnée le soir du 21 juillet lors du festival de Montpellier Radio-France, dans le cloître du couvent des Ursulines, on ne peut s'empêcher de remarquer à quel point l'héritage du combos de Bertrand Cantat semble avoir marqué (traumatisé ?) plusieurs artistes et formations du moment.
On peut ainsi noter la sortie ce mois-ci de "la tête en arrière", le nouvel album de Luke. Un concentré de rock dans la musique et dans les textes (ce qui, en pleine période de Kyo & Cie ne va pas forcément de soi). Luke nous livre 11 titres tout en tension contenue, dans lesquels on sent et ressent la rage qui anime les musiciens ; et si les puristes diront que le résultat n'est pas au niveau de Noir Désir, la ressemblance n'en est pas moins frappante. Luke en signant ici un album efficace (à défaut d'être original) mérite réellement un coup de chapeau pour le soin apporté à l'homogénéité entre l'univers sonore et les paroles.
Et hélas on ne peut pas en dire autant pour tout le monde, preuve semble en être faite avec le nouveau single de Damien Saez, avant-goût d'un album prévu dans les bacs pour le 22 juin. Même s'il est impossible de se forger un avis définitif sur un disque à partir d'une seule chanson, on peut hélas craindre en l'occurrence une amère déception : l'écoute de "Debbie", le nouveau simple de Saez donne l'impression d'un clonage noir désiresque savamment orchestré par Universal, via sa filiale Barclay (également maison de disque de Noir désir). Pascal Nègre, dont Saez est le poulain depuis ses débuts, est certainement très content de pouvoir sortir un produit étiqueté rebelle mais n'en ayant que la forme, au dépit du fond. Plus concrètement, avec ce single Saez nous propose un titre alternant des couplets calmes avec voix scandée mais contenue, et des refrains énervés avec un chant qui se relâche, ce qui relève exactement de la « touche » Noir Désir. La comparaison saute aux oreilles de tout auditeur un peu averti, mais elle s'arrête-là, car hélas pour les fans de Saez et de Noir Désir, le résultat est décevant ; autant Luke arrive à restituer l'âme et la moelle inhérentes à ce type de morceau, autant avec "Debbie" on a la sensation que Damien Saez réalise davantage une commande qu'une composition vraiment personnelle. Ca sent la grosse production, mais à l'arrivée on obtient une chanson creuse, trop propre, un mauvais ersatz. Si cette tendance se confirme sur l'ensemble de l'album du rockeur, et le choix de ce morceau comme single semble l'indiquer, Saez risque de perdre une partie du public qu'il avait séduit en développant son univers propre (par ailleurs passionnant), et ce tout en ne séduisant pas le public de Noir Désir. Comment expliquer ce virage créatif ? Il se peut que le succès en demie-teinte de son double album "God bless" ait fortement incité son entourage professionnel à l'orienter vers d'autres voies plus vendeuses...
Enfin pour conclure sur une bonne touche, parmi les groupes rock en pleine ascension, que l'on sent profondément marqués par Noir Désir, on retiendra Eiffel. Le quatuor agenais reprend en live les écorchés, titre qu'il avait déjà réinterprété il y 5 ans pour l'album des remix de Noir Dez. Eiffel a une double actualité : un album live "les yeux fermés" sorti en mars, ainsi qu'un DVD enregistré aux Eurockéennes de Belfort 2003.