« Salut à toi réseau des peuples suicidaires / Salut à toi, selfie des abattoirs humanitaires ». Chacun sa voie, chacun son créneau, chacun son canal. Saez creuse le sien, mais il n’est pas dit qu’il soit fait pour relier quoi que ce soit.
Saez est dans le sombre. D’ailleurs tout en ce nouvel album (son onzième) le prouve, du livret qui se la joue roulette russe, photos glauques, titres sans nulles paroles (qu’importe, on les trouve facilement sur le net), au disque en lui-même, qui s’ébroue dans le noir, sans issue, sans nulle échappatoire. On ne sait vraiment – on n’ose l’imaginer – quel peut être le rendu d’un tel opus sur scène : messe noire, transe ou suicide collectif. Fuyez avant que d’y rentrer !
Tout est scansion, tension dans ces onze titres, tant qu’on en sort épuisé. Sans qu’au bout du compte on ait compris grand’chose de sa colère, de son rejet du tout. Sans qu’on sache si la posture ne confine pas au bout du compte à l’imposture. Certains parleront de chanson engagée. Soit, mais contre qui, pour quoi ? saez-humaniteC’est bien de faire une liste de sujets de dénonciations comme moi je fais ma liste de courses, encore faut-il construire parfois. Pourfendre la mondialisation, opposer l’humanisme aux réseaux sociaux (d’une chanson à l’autre, ça semble être le leitmotiv), fustiger la société de consommation où toutes et tous se vendent tels des produits… c’est facile dans un micro, ça flatte l’indignation d’une clientèle possiblement révoltée (ça disparait bien souvent comme l’acné), ça fait succès et ça récolte du blé. Démagogique. Facile d’être le révolutionnaire des gondoles de supermarchés. Facile aussi et douteux de chanter « Arrête de m’regarder comme ça / J’pourrais bien faire un attentat / J’pourrais bien m’faire boum-boum je crois / J’pourrais bien m’faire Hiroshima / J’pourrais bien tout péter comme ça » même si son cœur fait boum.
Tout est convenu ici, rien n’est surprenant, comme une liste automatique de dégoûts ; seule la forme fait illusion. Pas longtemps, car tout est répétitif, prise et maux de tête. D’aucuns lui trouveront intérêt au seul fait qu’il remplit les salles sans grande promotion, comme un phénomène. L’argument est léger. Saez est du canal hystérique de la chanson. Sans issue, sans débouché. Je vous l’ai dit : fuyez !
Michel Kemper
Source : www.nosenchanteurs.eu