« Vous dites que je ne suis indifférent à personne. Tant mieux. Je ne puis souffrir les tièdes, et j'aime mieux être haï de mille à outrance et aimé de même d'un seul. » Une maxime de Rousseau qui s'applique parfaitement à Damien Saez...
Globalement, Saez se fout de déplaire. A 27 ans, il poursuit son chemin à toute allure. Cet « homme pressé » a déjà à son actif deux disques, « Jours étranges » (1999) et « God Blesse » (2002), une BO de film, « Femme fatale » de Brian de Palma, un recueil de poésie, « A ton nom » chez Actes Sud. Damien Saez est certainement l'artiste de sa génération le plus décidé à faire parler de lui. Avec art, hargne et classe.
« Debbie » est son premier vrai disque rock,, au sens tribal du terme. Sauvage, avec des riffs basiques mais diablement efficaces. Et des bijoux : « marie ou Marilyn », « Clandestins », « Autout de moi les fous »...
Je sais que la promo n'est pas ta tasse de thé.
Je n'aime pas les explications de textes. C'est un non-sens pour moi. Je choisis un mode de communication qui est une sorte de poésie populaire. L'expliquer est une mise en abîme perpétuelle.
Mais parfois, ta poésie est telle qu'il faut s'accrocher pour saisir toutes les nuances de tes propos.
J'essaie toujours d'avoir une perspective sur ce que veut dire le texte, tout en ayant plusieurs lectures. La fainéantise due à un minimum de bon sens avec une plume peut te faire reposer sur tes lauriers. Il faut éviter la démagogie de l'écriture. Quand j'écris, dans « Céleste » : « Céleste s'éteint ma bouche aller vers toi » ou « c'est la soif qui a faim », ce n'est pas très académique.
Tu affirmes que « Debbie » est ton meilleur disque avec un tel aplomb que ça frise la prétention !
Dans mon travail, je n'ai pas de doute. Vraiment. C'est la première fois que j'ai le sentiment d'avoir fait un album qui ne fait qu'un. U,n voyage du début à la fin. Ma hantise profonde et perpétuelle est de réitérer ce qu'on attend de moi. Refaire « Jeune et con » par exemple, pas question !
La presse utilise des termes à ton endroit du genre : provocateur, engagé, rebelle, mystérieux, ténébreux, insolent...
Je suis arrivé de nulle part dans le monde de l'industrie du disque, sans vouloir vraiment y entrer, en ne jouant pas le jeu. Ça a beaucoup énervé et je suis passé pour un dédaigneux, un arrogant. Je ne veux simplement pas aller faire le con à la télé. Attention, je ne parle pas de la Star Ac', j'évoque là les talk-shows à 3 francs. Parler de mon disque à côté d'une star du porno, je n'y arrive pas !
Mais quand le lendemain du 21 avril, en réaction aux résultats de l'extrême droite, tu écris « Fils de France » ( non commercialisé mais à dispo en téléchargement sur le web), tu peux comprendre que ça agace.
Tu sais, je suis fils d'immigré (un mélange algérien/espagnol)... ça a été comme une pulsion. La limite était atteinte. £un parti fasciste au second tour, ce n'est pas rien quand même ! C'est d'ailleurs le seul acte d'engagement que j'ai fait dans ma vie. Le seul.
Je ne te sens pas très bien dans cette époque.
Effectivement. Je ne suis pas en phase, je suis décalé. Du coup, je ne serai jamais à la mode, donc jamais démodé non plus ! J'aurais aimé vivre dans les années 70. Voir Led Zep', grandir au son de « Paint it black »...
François Alquier