Saez, artiste poète engagé – son récent titre 1er Mai’ en est encore une belle preuve – pose ses valises deux soirs de suite au Zénith de Paris. Le public n’a pas loupé le rendez-vous ; une date est sacrément bien remplie, l’autre affiche complet. Nous vous emmenons donc Porte de Pantin pour le premier soir et un concert empreint de poésie, d’énergie et s’apparentant parfois au meeting politique, Saez oblige !
Il est 20h20 quand un écran descend pour un premier tableau cinématographique. Une jeune femme se tient sur un lit vêtue d’un tee-shirt Johnny Cash et entame un monologue sur l’amour, sa durée. Les images en noir et blanc sont soutenues par un piano. Douce entrée en matière.
Saez arrive sur scène vers 20h30, seul pour l’instant, barbu, vêtu d’une grosse veste, de celles confortables dans laquelle on se blottirait bien au coin du feu. ‘L’Humaniste’ et sa mélancolie cueille un Zénith qui écoute avec respect. Sur l’écran, défilent des images d’une plage avec ses mouettes ; un personnage que l’on voit de dos joue avec les mouettes, espèce de clown triste, celui de la pochette de Manifeste – Lulu.
La voix est belle, accompagnée simplement à la guitare et de lumières minimalistes.
La nostalgie et l’émotion continuent avec ‘Les Enfants du Paradis’, titre tristement inspiré des attentats du Bataclan. Les spectateurs écoutent toujours respectueusement et applaudissent la fin de ce beau poème.
Désormais debout, Saez lit ensuite un extrait des Misérables de Victor Hugo avant que le groupe ne le rejoigne pour ‘L’oiseau Liberté’ que le public soutient de ses applaudissements au fur et à mesure que l’intensité du morceau monte et que son rythme s’accélère.
‘Fin des Mondes’ continue ce début de concert fait de titres calmes, empreints de grande nostalgie, avec cette voix cassée, vibrante. Mais la tempête n’est pas loin ; la batterie soutient le morceau tout comme les cris des fans, les guitares se lâchent, le rythme s’accélère et la chanson s’emballe, devenant bien plus rock que son début ne le laissait présager. Et Saez de ponctuer le titre de quelques majeurs tendus bien haut !
La fin du morceau est saluée par un Zénith, certes en configuration réduite – les rideaux sont tirés sur les gradins du fond – mais blindé et aux anges.
‘Betty’ qui suit est chanté spontanément par le public. La nostalgie revient mais tout le monde chante les revigorants « Allez, ressert à boire ». Les lumières en demi-teinte conservent une ambiance tamisée. La batterie se fait entendre, tout comme l’accordéon, le public donne de la voix, chantant des « oh ! oh ! oh ! » comme un seul homme. Joyeuse effervescence !
Saez, cigarette au bec, espèce de poète maudit, se plaît à imaginer que Paris n’est pas un cimetière, que tous les bars ne ferment pas à 2h00 du matin, qu’il y a encore de la vie à Paris ! Le titre étiré à l’envie est très logiquement bien accueilli par le Zénith.
‘Mon Terrroriste’, titre éminemment politisé, dont les paroles sont aussi reprises par le public rencontre un succès…évident au vu des paroles ? Le « A ta santé Macron ! » est accueilli par un mix de huées et de rires de la part des fans. Musicalement, le morceau est varié, avec un passage a capela, un emballement de passages très rock où solos de guitares à tendance celtique alternent avec l’accordéon. Les fans montrent leur plaisir et n’en loupent pas une miette !
Saez a-t-il à peine commencé à chanter ‘Des P’tits Sous’ que le Zénith lui emboîte le pas, chantant avec lui, applaudissant. Décidément, la salle est acquise à la cause du chanteur qui arrête net le titre histoire de provoquer son public. Ce qui fonctionne plutôt bien au vu des cris des fans et du bruit qu’ils font.
Toujours corrosif, Damien, se lance dans une diatribe. « C’est mort pour vous les p’tits sous, c’est pas pour vous ». Il souligne que les bénéfices du CAC40 ne seront pas pour les fans. « Tu rentres chez toi, tu payes tes impôts et tu fermes ta gueule ». Le chanteur place une petite pique sur Fillon, liée aux affaires en cours avec sa femme et ses enfants. « Même nous, les disques, les concerts, c’est mort ». Au vu des nombreux concerts sur la capitale dont beaucoup affichent complet, l’homme n’est peut-être pas tout à fait dans le vrai même si la situation du monde de la musique semble se crisper. Le discours se fait plus dur invitant subtilement à une forme d’insurrection. Il continue en parlant du théâtre de la démocratie et de ses marionnettes qui n’ont pas le pouvoir effectif et précise que tant que les gens ne s’attaqueront pas à ceux qui ont le pouvoir, rien ne changera. Et le morceau de reprendre avec des airs très rock’n’roll.
Damien a franchement des allures de tribun, haranguant son public, le piquant pour provoquer ses réactions. De son côté, le public est extrêmement présent faisant de ce concert, même malgré des allures marquées de meeting politique, une très belle fête. Qui va s’offrir un entracte. En effet, le groupe quitte la scène, il est 21h25, l’écran descend à nouveau pour proposer un autre tableau cinématographique. L’actrice revient ; elle est une prostituée et débite un texte cru pour dix minutes de pause.
‘Into The Wild’ reprend le concert, hypnotique, lancinant, avec son introduction à la batterie soutenue par les applaudissements des spectateurs qui participent finalement autant que le groupe au succès de cette soirée. Sur scène, la puissance électrique est bien présente dans des lumières laissant une pénombre opportune pour apprécier le déluge sonore de ‘J’hallucine’ qui enchaîne sans temps mort. L’énergie déployée par le groupe ferait même penser à un Pearl Jam live, c’est dire ! Les musiciens offrent un gros passage instrumental, faisant de ce titre un véritable morceau de bravoure.
Saez se saisit d’un projecteur avec lequel il éclaire les fans puis ses musiciens avant de finir par terre. Gros succès !
Le meeting politique continue avec ‘Lettre A Politique’ et son texte virulent qui souligne, entre autres, qu’un présentateur TV a plus d’importance qu’un éducateur, qui égratigne à nouveau Fillon. Un brin démagogue ? Connaissant les convictions bien affirmées du chanteur, ce procès n’a pas vraiment lieu d’être. Damien placera même un mot sur Alep. D’ailleurs, durant le concert même les réseaux sociaux auront le droit à leurs piques.
La performance continue, toujours avec cette électricité, ces dénonciations, ses paroles choc comme sur ‘J’accuse’ où l’homme ne descend pas du singe mais du mouton, ou encore avec ‘Peuple Manifestant’. Côté son, rien à redire. Excellent. Côté habillage lumineux, l’ambiance est tamisée avec de gros projecteurs qui habillent visuellement la prestation de très jolie manière.
Le concert a commencé depuis plus de deux heures, sans baisser d’intensité, sans signe de lassitude côté public dont l’énergie, l’envie n’auront jamais été prises en défaut. Encore moins sur ‘Ma Petite Couturière’ où il donne de la voix. Côté chanteur, pareil, toujours la même présence comme lorsqu’il s’adresse au Zénith avant ‘Rue d’la Soif’. « On va chanter ensemble un peu. Ça a un peu bougé mais là, il va falloir y aller » dit-il en substance. « Sinon à Grenoble, à Brest, ils verront les vidéos et se demanderont qui sont ces baltringues ! ». Excellent morceau à boire, un peu plus léger soutenu par l’accordéon qui nous emmène « de La Rochelle à La Ciotat, au whisky ou à la vodka ». La fosse remue un peu plus, Saez fait chanter les fans. « Plus fort ! Ils n’entendent pas à Brest » les motivera-t-il remarquant qu’il est beau de voir un public danser.
« Pas mal, on va voir sur la prochaine » précise le chanteur avant de lancer ‘Bonnie’, ultra festif, à boire et à pogoter. Saez arrête le morceau pour quelques vocalises et l’homme a une sacré voix pour celles et ceux qui en douteraient encore. Et le Zénith de secouer les bras à l’invitation du poète politisé. Bel ensemble que tous ces bras levés, beau moment live que Saez filme avec un téléphone. Et le public de chanter, donner de la voix ! Que c’est beau ! Sacré moment de bravoure.
23h15, la pause rappel intervient finalement. Comptez-donc la durée de ce concert qui est loin d’avoir dit son dernier mot.
Le groupe revient pour les rappels. Personne n’est prêt à lâcher l’affaire. Le public chante et chante encore comme sur ‘Putains, vous m’aurez plus’. Saez est toujours présent, s’adressant à ses fans. « Celle qui vient vous ne vous y attendez pas, c’est clair et net » dit-il avant de lancer l’imparable classique ‘Jeune Et Con’ suivi par le poignant ‘Jeunesse Lève-Toi’.
Sur ‘J’veux qu’on baise sur ma tombe’, le public, à féliciter pour sa prestation, chantera vraiment longtemps des « oh ! oh ! oh ! » tandis que les musiciens quittent la scène un par un pour un morceau étiré à l’envi qui se termine à l’accordéon. Beau passage de ce concert fleuve.
‘Tu y crois’ termine enfin ce concert sur un ultime cri perçant, d’ultimes riffs de guitare et un ultime chaos sonore. Saez s’adressera une dernière fois à ses fans pour leur témoigner sa gratitude « Merci à vous, merci pour ces années de fidélité, vous êtes gravés dans mon cœur ».
Plus de 3h30 d’un concert plein et intense, frôlant parfois trop avec le meeting politique comme nous l’avons déjà souligné, mais porté par un chanteur qui sort de l’uniformité, fume et boit du whisky sur scène, charismatique en diable, appuyé par un groupe qui sait envoyer un rock’n’roll bien senti. Que demander de plus à part pouvoir revivre à nouveau ce genre de moment d’exception ?
Loïc 'Lost' STEPHAN
Source : amongtheliving.fr