Damien Saez dévoilait en décembre 2016 le premier acte de son Manifeste avec Le Manifeste L’Oiseau Liberté & Prélude Acte II. Le voici de retour pour nous présenter le deuxième acte du Manifeste : Le Manifeste Lulu, triple album émaillé d’une matière toute saezienne qui mature petit à petit. Paru en mars 2017, Le Manifeste Lulu offre trois albums aux tonalités bien distinctes. Bulles de Culture vous propose de les explorer.
Le Manifeste Lulu – Mon Européenne
Révolte et poings levés
Avec Je suis et Mon terroriste dévoilés comme prélude à l’acte II du Manifeste dans Le Manifeste L’Oiseau Liberté & Prélude Acte II, la teinte du premier album de l’opus Le Manifeste Lulu avait été bien annoncée. Proposée en téléchargement libre à l’automne 2016, le titre Peuple des manifestants donnait également le ton de Mon Européenne.
Textes empreints de colère, poings levés très haut, le premier album de Le Manifeste Lulu renoue avec les chansons de l’album J’accuse, paru en 2010, ou celui de Miami, paru en 2013. En ligne de mire, le monde doré de la finance, celui corrompu de la politique, celui à paillettes du show-business ainsi que le racisme ambiant et hypocrite de la société.
Damien Saez est connu pour ses textes coup-de-poing écrits à vif comme Fils de France qui faisait suite à l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour des élections de 2002. Son inquiétude sur l’avenir du pays, sa révolte contre la soumission qui nous fait taire, sa lutte contre les amalgames douteux n’ont pas changé.
Il livre ainsi dans ce premier album de Le Manifeste Lulu des textes à vif ou plus écrits qui viennent réveiller la révolte qui sommeille en nous, les coups-de-gueule que l’on devrait oser pousser et qui restent prisonniers dans nos gorges.
Mais toute cette contestation n’est pas gratuite. Elle fait apparaître en filigrane un idéal humaniste qui réconcilie avec la tradition littéraire française, un idéal de tolérance et de respect, un idéal d’ouverture où la culture aide à s’élever, à quitter les miasmes grandissants d’une culture de masse qui abrutit.
Le Manifeste Lulu – Lulu
La valse des cœurs abîmés
C’est dans un lyrisme désespéré que le deuxième opus de Le Manifeste Lulu trouve sa source. Espoirs d’amour déçus ou déchus, souvenirs d’un amour absolu dont la force créatrice devient incroyablement destructrice, constat amer d’une vie invariablement vaine quand toutes les convictions ont définitivement chu, voilà le terrain sur lequel Damien Saez nous entraîne dans Lulu, album éponyme.
La solitude rencontre l’amertume ; l’amour enfui erre tristement dans un cimetière ; et l’on se retrouve un soir à boire d’un trait cette insatisfaction qui nous hante et nous tue peu à peu. La noirceur progresse au gré des années, et le lyrisme crie la douleur plus encore que dans l’album Varsovie paru en 2008. L’échappatoire semble cette fois tout à fait exclu, tout à fait disparu.
La douleur crie, elle vient prendre les formes de quiconque a cru à l’amour, a cru qu’aimer suffisait, qu’aimer suffirait, et se retrouve devant une blessure si profonde que plus rien ne sait guérir, que les déceptions creusent toujours plus.
Dans Lulu, Damien Saez retrouve une écriture que l’on a déjà comparée plusieurs fois à celle de Jacques Brel. La poésie ouvre ses fleurs pour dire les plaies qu’on ne sait plus nommer, et les réminiscences de la poésie de Jacques Brel affleurent avec grâce au fil des vers de Lulu, chanson éponyme qui rappelle à chacun l’incroyable Jojo de l’interprète belge, tout comme Les Amours mortes semble répondre à Ne me quitte pas.
Lulu dit enfin la force du désespoir qui vous étrangle à ne pouvoir reconquérir cet amour unique qui a su faire vibrer comme personne et dont la perte n’en finit pas de blesser, n’en finit pas de faire saigner.
Le Manifeste Lulu – Bords de Seine
Tristesses acérées
C’est dans la mélancolie la plus noire que s’élève la sombre lumière du dernier album de Le Manifeste Lulu. La sensibilité et la sentimentalité font naufrage ici, sacrifiées par un monde où la sincérité des sentiments se heurte aux écueils d’une époque où l’amour ne suffit plus.
Si les morceaux de piano occupent une place importante dans les albums de Damien Saez, et cela dès le double album God Blesse paru en 2002, ils trouvent une place toute choisie et centrale comme jamais dans Bords de Seine. Les morceaux instrumentaux occupent ainsi la moitié de l’album, et leurs titres sont évocateurs du ton de l’opus : Tristesse, La Neige, Thème Mélancolie, Thème l’Adieu.
Bords de Seine dit la douleur sans fin de ces errances qui hurlent l’absence de l’autre, quand les lieux deviennent souvenirs de bonheur, quand les endroits sillonnés dans la solitude nous ramènent toujours plus à l’autre, celui-là qu’on adorait et qui n’est plus à nos côtés, et qui ne sera plus jamais à nos côtés.
Bords de Seine dit la mélancolie sourde des Matins de pluie ou des Matins de neige quand l’absence emplit et abîme. Bords de Seine dessine l’opacité de la mélancolie sans rive qui noie dans le désespoir celui qui a fini par baisser les bras au fil des déceptions qui ont blessé.
Bords de Seine questionne la place de celui qui ne croyait qu’en l’amour et qui a échoué, qui n’a aucune religion dans laquelle noyer son chagrin, et qui, brisé devant l’amour qui a tué, ne sait plus comment vivre.
Morgane P.
Source : bullesdeculture.com