Ce texte, comme pour la tournée de Damien Saez que j’ai suivi en 2 dates cette année, a été écrit le soir même ou le lendemain en 2013. Je le partage ici pour créer un beau carnet souvenir.
1h. C’est long, c’est très long quand on a attendu 5 mois et qu’on touche du bout des doigts le feu aux poudres. 1h. Et puis le retour en chemise et jean, la guitare à la main, les accords défilent et l’acoustique prend toute sa dimension dans la cathédrale de spectacle. Seul face à la marée humaine, venue dans l’espoir, les yeux écarquillés et la bouche chantante. C’est l’humble conteur qui ramène à la raison ses brebis égarées, perdues sur le chemin depuis la nuit du 8 décembre dernier. La voix puissante tient en haleine la foule qui danse à ses pieds, elle agite des bras rêveurs aux rythmes des battements de tambour, de l’accordéon déchiré et des riffs qui chahutent la guitare. L’étincelle a réanimée la flamme, c’est la grande renaissance des palpitations, de la joie qui submerge l’être et des cris arrachés pour soutenir le colosse de vers. Entre le silence qui initie les chansons et l’apothéose des applaudissements de fin, le mélodiste s’écorche sur les cordes serrées de la guitare, il pousse la voix à démolir les bornes bienséantes du calme de la vie quotidienne. Le vent de l’insurrection, l’espoir de la révolte dans les éclats de voix, pour faire bouger ce peuple qui se fige trop. Et puis la foule prend feu, elle bouillonne, elle explose dans les rayons solaires de Miami, la salle se retourne … elle fusionne, crie, hurle, danse, et précipite l’atmosphère dans l’euphorie. Vient alors l’heure de gloire de la guitare, dont le son réveille les corps et déchaîne les esprits assoiffés de révolte, et de coup de sang. Comme le son métallisé du rock sert bien les mots de l’enfant révolté. Et si j’en crois tes dire, je ferais l’impossible pour que l’éphémère devienne éternité, debout solitaire ensemble au cœur de cette salle, avec pour seule raison de vivre, l’espoir chanté que tout est possible là-bas hors des murs, dans la ville et sa vie. L’onde des émotions vient ensuite frapper la peau, la marquer au fer rouge de ses frissons et de sa danse apaisante comme une complainte rassurante, d’une vérité universelle contre nos peines et dans le feu de nos joies. Ailleurs, dans le souffle extérieur, rien ne ressemble à tes airs de fête, à ton goût d’écorchure, à ton visage croyant en ces frères qui devraient lever un poing rageur sous les pavés plutôt que dans les embouteillages. A ces frères qui laissent le monde se mourir peu à peu, quand à d’autres époques ils enflammaient les rues pour leurs rêves et espérances. Pourtant on y croit tous, et on aime être le peuple des libertés et de la Révolution, mais l’esprit humain a oublié qu’il en était capable, il a oublié d’oublier le confort matériel. Il a oublié qu’être ici, ce soir dans cette fosse, c’était comme redonner de l’éclat à l’émeraude en soi. Et tu le dis si bien, que ce n’est pas les mots qui changeront le monde, ni même la musique, et probablement plus les hommes. Et doucement retombe le ciel en lumière de scène, et en astre de poussière, le petit prince loin de son univers chante d’une voix apaisée les sentiments. Et son chant comme une sirène d’Ulysse, envoûte la marée en tempête, pour lui redonner son calme originel, et lui rendre la pudeur de son enfance. Je repartirais volontiers pour un autre rappel, et encore un autre, et toujours un autre, mais hélas il faut savoir apprécier le bonheur que l’on goute par bribes et le laisser repartir comme il est arrivé. Et me voilà à cent lieux, dans un ailleurs aux merveilles, la voix perdues et le corps abandonné dans le tourbillon de cette folie enivrante. Il y aura probablement un jour, où tout ça finira, ou l’un des deux perdra l’envie, et le silence reprendra ses droits. Un jour il est vrai, un seul jour pourrait tout changer. Mais cette nuit, on a encore fait chavirer le monde, et on le chavira encore parce qu’il y a Damien, parce qu’il y a les mots qui nous guident, parce qu’il y a encore des nuits où le peuple rêve à la gloire de son destin.
Julie G.
Source : vingtquatreheureune.wordpress.com