Après trois ans de silence absolu, Damien Saez revient sur scène. Sa tournée, entamée au Bataclan en décembre dernier, s’achèvera au Zénith de Paris le 22 avril. Le Manifeste, ce beau projet musical qu'il a dévoilé en juin 2016, l'accompagne. Samedi soir, il faisait escale à Marseille devant 5 000 spectateurs.
1h du matin devant l’entrée des artistes du Dôme de Marseille. Une cinquantaine de fans, assis à même le sol ou debout avec photos et guitares à dédicacer, patientent devant le portail noir. Certains sont venus de Corse, d’autres d’Hyères, de Paris, de Clermont-Ferrand ou Montpellier. La plus jeune a douze ans, le plus âgé est retraité. Quatre heures de concert non stop n’ont pas étanché leur soif. Ils veulent approcher le chanteur.
Après une heure d’attente dans la chaude nuit marseillaise, alerte rouge : escorté de son garde du corps, un solide gaillard d’au moins deux mètres, Damien Saez s’approche de la grille. Cinquante mains se tendent. Amorce de discussion. Tutoiements réciproques. Compliments lancés. "Je ne vais pas signer tout ça, il faut mieux parler que signer, non ?". L’artiste est visiblement éreinté par la prouesse physique qu’il vient d’accomplir ce soir encore. Son garde du corps lance : "Il est fatigué, il vous a fait quatre heures de concert quand-même !". On tente une demande d’interview : "Non, je suis crevé, je vais me coucher". On s’incline, il s’en va, nous aussi. Retour sur un concert mémorable.
L’artiste contestataire ovationné
"Je suis du peuple travailleur j'suis pas du show-biz à quatre pattes/ Avec moi, les fils du labeur, ceux qui font pousser des tomates/ Ceux qui en ont marre de s'faire baiser par les rois de l'intermédiaire/ Par tous ces gens-là qui ne créent rien, sûr, autour d'eux, que la misère". Et puis il scande : "Faudra bien que tu te mettes dans le crâne qu’Ahmed est un prénom français".
La fosse est en transe, les gradins en hyperventilation, les soutiens-gorge volent sur scène.
Performance scénique
Pendant quatre heures, l’électron libre de la chanson française enchaîne une trentaine de titres. Six musiciens virtuoses l’accompagnent. Le public reprend avec lui ses chansons anciennes, "Les p’tits sous", "Pilule", "Marguerite" ou encore "Ma petite couturière", sortie en 2011 et toujours d’actualité : "Ouvrière s’est perdue/ Cherche reconversion/ Le patron a fermé/ Tous les gens de coton."
Le public connaît aussi par cœur ses nouveaux textes, extraits de ses deux derniers albums sortis à trois mois d’intervalle. Les briquets s’allument, les doigts brûlent, qu’importe, avec "Les Enfants Paradis", émouvant hommage aux victimes du Bataclan : "Si sont tombés ce soir, en ce vendredi noir/ Les frères de mon pays, nous laissant désespoir/ Mon pays ta culture est morte, assassinée / Mais tu sais ma culture non ne mourra jamais".
Incontrôlable, fougueux, révolté, rebelle et diablement poétique, Damien Saez invite à sa table les poètes et les gens de bonne volonté. Jacques Brel, Barbara, Baudelaire et Rimbaud ne sont pas loin. C’est sa famille. Lui qui refuse de plier devant l’industrie du disque ou des médias est assurément un homme libre. Qui milite aussi pour la fraternité et l’amour. Et termine son concert en lançant à des spectateurs qui l’auraient bien gardé la nuit entière et toutes les suivantes : "Merci pour vos années de fidélité". Puis il quitte la scène et les applaudissements continuent longtemps après qu’il soit parti.
PS : Damien, pour l’interview, c’est quand tu veux.
Rouzane Avanissian
Source : culturebox.francetvinfo.fr