Vendredi soir, Le Galaxie d’Amnéville accueillait Damien Saez et sa Tournée Manifeste. 4 heures de rock, de textes percutants et revendicatifs !
20 h 20. L’écran descend sur la scène et le film commence. En noir et blanc, on y voit jeune fille parler d’amour, le tout accompagné live au piano durant plusieurs minutes. Arrive Saez, seul à la guitare, assis, barbu, avec sur toile de fond un clown sur une plage. Un air de Brel flotte sur la scène. C’est avec « L’Humaniste » que le tour de chant débute. Dès la fin du morceau, les regards sont dans le vague, certains s’essuient le coin des yeux, des couples s’embrassent. Je ne le sais pas encore, mais le ton est donné pour les 4 prochaines heures ! Parce que Damien Saez, c’est d’abord une présence, même barbu assis sur une chaise, avec une guitare et un vieux gilet informe. Sur « Les Enfants Paradis », le public chante avec lui (chanson pour le Bataclan). Les briquets s’allument. En deux chansons, le poète a conquis son public. Clope au bec, et un verre à la main, il lit un extrait des Misérables. Ça sent le shit déjà dans la fosse… Le public va ensuite scander « L’oiseau Liberté ». Saez a ce côté poète maudit et habité, la voix éraillée, et les « r » qui roulent, façon Brel. Pour « Fin Des Mondes », le gros son est arrivé, et le public est fin prêt à le suivre. Toujours le discours revendicatif et contestataire, il y croit. Il revendique et accuse. « J’emmerde Wall Street et les autres, mon pays c’est la terre » ! On est dans le vif du sujet et les poings sont en l’air.
Les 3 premières mélancolies ont capté les sentiments et l’assistance, on est fin prêts, chargés à bloc pour le combat. On aime et on le fait entendre. Damien Saez lance un « ça va ?! », et des hurlements lui répondent. « Betty » est joué à la guitare sèche, accompagnée à l’accordéon. Un « ressers à boire » est repris par le public sans se faire prier. Il fait durer le plaisir, alterne la grosse guitare avec l’accordéon seul et fait allumer la salle pour la saluer, son verre levé bien haut. Ce n’est plus un public, c’est mieux ! « Je Suis » nous garde au chaud toujours sur la même veine. L’accordéon amène le côté parigot, la guitare sèche s’y met et on entend « Marine Syrie République ». La revendication s’enracine. Il finit seul au micro : « je suis la jeunesse de mon pays » et ça hurle aussi fort que la guitare électrique. Le public sait ce qu’il est venu chercher, et il y a un parfum de révolte, savamment dosé, entre appel aux vrais sentiments, et rage, colère, accordéon et cordes saturées. Et ça marche ! « Mon Terroriste » débute. « le mien est banquier », « à ta santé Macron », le public suit et n’en attendait pas moins. Seul au micro, il alterne avec un discours avec le public. Il reprend depuis le début avec le groupe, et décuple le message. Le rythme de la chanson entraîne encore plus le discours qu’il reprend. Inutile de dire que dans la fosse boit les paroles du tribun. Il chante, danse, boit et fume. Saez enchaîne avec « Des P’tits Sous », puis stoppe. Le public acclame les mains en l’air. Le discours politique reprend, puis les guitares s’en mêlent. La grand messe continue sans temps mort. Le riff est ultra efficace, le tempo est endiablé. La recette a déjà fait ses preuves, et ce soir encore. C’est un punk, un drapeau noir, un anarchiste ? Peut être un peu de tout, le principal c’est qu’on y croit.
L’écran se baisse à nouveau et laisse voir un texte où on peut lire : « citoyens, culture, école, immigré, fasciste, France, Paris, pornographie sociale, lobbies, censure, artistique, galvaudé ». Un manifeste sans musique, ni groupe. Le public reste seul face au message qui défile, et quelques applaudissements se font entendre. Le film du début reprend, la jeune fille revient nous parler d’elle. L’air de rien, au bout de 10 min, le piano revient l’accompagner. Viennent ensuite « Into The Wild » et « J’Hallucine ». On y trouve un air de Bertrand Cantat, version Des Visages Des Figures, et une scène noire et rouge, comme le drapeau qu’il brandit dans ses textes. La voix nasillarde et la batterie scandent un tempo entêtant. On n’est plus sur les barricades, on repart dans le monde onirique. Le public suit, bat des mains, et se laisse doucement emporter. La distorsion de la guitare en rajoute, puis le crescendo, tout s’accélère et gagne en intensité, puis redescend. Le poète est maintenant à genoux avec sa gratte, et ça repart de plus belle. Il malmène sa Gibson. L’hypnose a pris le chaman, mais c’est bien le batteur qui nous tient aux tripes. Il le dit lui même : « le tambour indien nous montrera le chemin ». Avec « Lettre Apolitique / Lettre A Politique », l’anarchiste revient en force. Il accuse et dénonce en rimes, traîtres à la cause humaine, et pouvoir de l’argent. « vous » est l’ennemi qui galvaude la culture et la France. « à ta santé Fillon »et le public crie.
Il interpelle « Marianne », et c’est le pogo généralisé qui lui répond. Damien, le poing levé, prend une caméra et filme la communion punk. « Fils de France » est joué dans la foulée, gardant la même énergie sur scène et dans la fosse. Le groupe accélère, les gens suivent et en veulent encore plus, pour finir le morceau le poing en l’air. Sur « J’accuse », le public chante en chœur dès les premiers accords, ça saute et ça danse, les têtes bougent dans tous les sens. On voit enfin le premier type porté à bout de bras par le public ! « Pilule » est dans la même veine. La bonne parole anarchiste ne tarit pas, le rythme est toujours soutenu. Ca arrache, le public aime et le montre. La puissance du son au service de puissant discours, régulièrement repris par des fans nourris au sein révolutionnaire et contestataire. C’est sans concession, et pleinement assumé et revendiqué, jouissif pour tous ceux qui sont venus pour ça. Et ça continue avec « Cigarette ».Ca ne s’arrête pas, ni sur scène, et encore moins dans la fosse. Avec « Peuple Manifestant », la présence est toujours là. La force de la conviction emporte son public, surtout le point levé « contre les enculés » ! C’est presque du slam, les mots claquent, et ça rajoute à la force des paroles et du discours. L’ovation continue. L’orateur tient la scène à lui seul, face à un parterre acquis à sa cause, qui connaît le texte aussi bien que lui. Cheveux longs et barbe en bataille, genre Jim Morrison, discours pour le peuple et contre les injustices façon Ferré, il déclenche le tonnerre des riffs ravageurs d’un geste, calme tout aussi facilement le groupe pour reprendre son discours.
Avec « Ma Petite Couturière », ça repart juste avec guitare et voix. « allumez vos briquets pour les milliers de licenciés » ! Une fois de plus, la colère des paroles est rejointe par les décibels, les riffs et le rythme. Tout est lié chez Saez, les paroles et la musique, la colère et la mélancolie, le slam et le chant des fans, le chaman et l’anarchiste révolutionnaire, le pogo et la danse tribale, l’accordéon et la Gibson saturée, la batterie lancinante et la guitare sèche. Un orateur tribun qui dirige d’un geste le groupe – impeccable -, pour imposer le silence ou déclencher la fureur et le bruit. C’est assumé et cohérent, et ça fait du bien ! Une présence qui se suffit à elle même, et le public ne s’y trompe pas. « Rue D’La Soif » mêle accordéon et allers retours de Gibson saturée, mettant tout le monde d’accord : pogo est le mot d’ordre, entre deux tirades éthyliques, le verre tendu bien haut, il fait chanter le public. Avec « Bonnie », la formule est encore et toujours la même, et l’énergie aussi. Elle se renouvelle en même temps, sans donner l’impression de redit, et on ne s’en lasse pas. On entre même dans la danse, et on chante avec Damien et l’accordéon. Bref, une nouvelle fois, on communie avec lui et avec eux sur scène, et au final avec nous autres dans la fosse, le public, les gens… Et au delà des paroles, des riffs, de l’engagement, c’est sans doute la plus belle réussite de Damien Saez. Damien s’éclipse alors en nous remerciant.
Évidemment, personne ne s’y laisse prendre. On n’arrête pas « ça » comme ça… Ça siffle, et ça appelle. On tape des pieds et des mains. Et voilà Damien Saez de retour. « Jeunesse Lève-Toi » débute avec la voix et la guitare. Au nombre de briquets allumés dans la salle, l’appel est entendu. « J’Veux Qu’On Baise Sur Ma Tombe » est entonnée en force par le public dès les premiers accords. La communion se fait dans la douceur d’un rythme saccadé et ralenti, d’une guitare haut perchée, jusqu’à ce qu’arrive l’incontournable accordéon, et les mains levées on chante, « hohoho ». Un savant mélange dont Saez a le secret, qui envoûte, comme un résumé de cette soirée. Avec un Saez debout devant la fosse, clope au bec, bras tendu et poing en l’air, qui nous regarde comme s’il était plusieurs, et nous seuls. Il nous laisse avec la mélancolie qu’il a apporté, l’air de rien, au début de la soirée. Le groupe parti, on continue à chanter, oh oh oh oh, incapable de s’arrêter là. Le 2ème rappel, on l’aura avec « Putains Vous M’Aurez Plus », « Ma Gueule De Terroriste », et « La Lutte ». Seul à la guitare, on a droit au poète, rêveur et engagé. « Marie » nous amène petit à petit à la fin du show qui sera clôturé avec « Tu Y Crois ». Saez tient la scène depuis 4 h, sans temps mort, quasi sans pause, à nous parler avec des chansons, avec un public conquis, toujours là, indéfectible et fidèle. Il nous remercie de notre fidélité, et nous terminons le poing levé, sous les riffs hard rock de la première guitare, genre les zep, comme pour ne pas oublier, en en mettant un dernier grand coup. Un pur moment surréaliste, 10 bonnes minutes d’un solo surpuissant, avec Saez accoudé aux baffles, clope au bec et verre à la main, qui regarde les gars s’éclater et se faire plaisir. Entier jusqu’au bout ! Respect !
Vincent W.
Source : lamagicbox.com