Après 3 ans d’absence, Damien Saez marquait son retour sur scène par trois dates consécutives au Bataclan. MusiK Please a assisté aux deux premières : deux soirées mémorables durant lesquelles Damien, seul avec ses tripes et sa guitare, nous a tout simplement fait vibrer.
Si Damien Saez fascine autant qu’il agace, il interpelle avant tout. Parce qu’il est un artiste à part dans le système ou plutôt qu’il a choisi de se mettre part. Parce que sa lucidité empreinte d’une (trop) grande sensibilité le pousse inéluctablement à se détruire à petit feu. Consumant au fil des années sa superbe christique.
Ces dernières semaines, Saez a rassuré (ou pas), côtoyant les extrêmes avec toujours cette même versatilité abrasive. Capable de s’emballer dans une vocifération verbale d’une violence inouïe (et certainement disproportionnée) contre Amazon. Comme d’interpréter l’ « Ave Maria » dans un piano/voix d’une grâce poignante. Le poids des excès n’a pas (encore) enrayé son aura. Ni sa verve poétique et plus affûtée que jamais.
Dire que ces soirées au Bataclan étaient impatiemment attendues relève du doux euphémisme. Quand on est fan de Damien Saez, on ne peut que ressortir remué de ses concerts, qui plus est en un lieu si tristement symbolique. Remué par cette voix déchirée et parfois déchirante. Par sa perspicacité et son mal-être. Par sa redondance aussi. A mener son combat à tombeau ouvert contre le monde (et contre lui-même), il s’épuise et finit par se répéter. Il le sait et le chante même (« Le dernier disque »), ce qui ne rend sa fragilité que plus émouvante.
Et parce qu’elle a été justement émue par cette toute première prestation live du Manifeste, Chris a décidé d’écrire. Non pas un traditionnel live report mais une lettre rédigée à chaud et directement adressée à l’intéressé.
Cher Damien,
C’est Noël et au lieu de nous chanter des cantiques tu nous broies du noir… non, non, non ! Ça ne va pas du tout ! Tu crois que tu es le seul à être passé par la case HLM ? À avoir regardé avec effroi la population docile entrer dans le système ? Et parfois penser le flouer un peu avec des dérives, en travaillant 24/24 et en touchant son RSA légèrement honteux. Mais tellement à bout que plus rien ne les arrête, ni alcool, ni cigarettes, ni drogue ni même au final parfois la corde ? Alors oui c’est dégueulasse, alors oui beaucoup ne réalisent pas, beaucoup regardent au sol pour ne pas affronter l’insupportable ! Comment les blâmer au final ? Le mur arrive à toute vitesse mais il fissure ! Bien sûr c’est à peine visible et on est un peu trop loin pour le voir. Mais j’ai cru voir un rayon de soleil s’infiltrer l’autre jour. Une vue de l’esprit me répondras-tu un matin où tu seras comateux, imbibé de tes whisky coca et clopes dégueulasses. Mais je t’assure, sors de ton brouillard, entrouvre ton rideau, sors de ta couette : c’est moche, c’est gris et l’horizon semble bien bouché mais le soleil est là, une conscience collective s’éveille. Les gens luttent et certains arriveront au pouvoir, j’en suis certaine ! Et quand bien même ! Bouge-toi le cul pour montrer l’exemple à toutes ces personnes seules qui affrontent les vicissitudes de la vie, tu as une responsabilité ! Tu nous a appelé à nous révolter et Le Pen n’est pas passé ! Tu nous dois de garder la foi, pour nous, pour toi, pour ta famille qui t’a permis de te mettre à la musique ! Tu as de l’or dans les doigts mais tu commences à tourner en rond…
Oh crois-moi je comprends que c’est difficile, je le ressens aussi, nous le ressentons tous : comment lutter ? Mais tu as un don et tu le sais, alors ne t’en sers pas pour justifier tes actes de mâle dominant et puant pour mieux sombrer ensuite. Assume ta part de moche et bats-toi pour t’améliorer constamment, pour donner du sens à ta vie, pour rendre fier ta famille et montrer que tous les sacrifices ne sont pas vains. Ton public t’aime, tu le sais bien, tu as un petit quelque chose de différent et une vérité universelle… et merde ! Lâche tes palliatifs et remets-toi au boulot, on a besoin de toi au mieux de ta forme, y a du boulot ! C’est pas le moment de flancher ! Rencontre des gens, parle encore et encore, tu découvriras de belles choses car l’homme est capable du pire mais aussi du meilleur… et oui ça fait mal mais c’est la vie ! Non je ne suis pas ta mère mais finalement je pourrai presque car ta sensibilité donne envie de te prendre dans les bras ou de te secouer selon l’humeur…
Allez remets-toi au sport et vire-moi ces bourrelets… ah et… passe de bonnes fêtes quand même ! On se reverra en avril… enfin ! Si tu le veux bien et puis arrête avec facebook, c’est un outil et comme tout outil, tout dépend de l’utilisation que tu en fais… internet + le partage c’est la révolution mais maintenant que cela se sait il va falloir lutter pour nos droits numériques. Bon là aussi, j’ai bien peur que ce soit peine perdue, mais bon… allez file ! J’en ai fini de t’engueuler pour aujourd’hui ! Ah et… c’était super ton retour ! Je n’ai pas que le premier soir grâce à mon ami et en plus j’ai dû partir pour ne pas rater le dernier métro mais c’était plein d’émotions…
La bise ! Une parmi le public ému de ce soir-là…
Chris & Betty
Source : musikplease.com