Saez est un artiste en marge et le prouve sur son nouvel album "Le manifeste, l'oiseau liberté". Touché en plein coeur par les attentats du Bataclan, l'artiste s'engage et repart en guerre pour éveiller les consciences sur un album fort. Critique !
Trois ans après "Miami", Saez est de retour. Mais dès les premières notes de piano, on comprend que "Le manifeste, l'oiseau liberté" ne sera pas un album comme les autres. Il faut dire que le contexte en France a changé les choses. Blessé dans sa chair, comme nous tous, après les attentats qui ont secoué le pays, et notamment ceux du 13 novembre 2015 au Bataclan, l'artiste engagé a eu envie de prendre la plume, armé de son piano et de guitares, pour se questionner sur le cheminement d'un tel drame. On connaissait le Saez provocateur, insolent et enragé, mais sur "L'oiseau liberté", le poète troque ses mots cinglants pour une plume plus fine, plus littéraire, envahie par l'émotion. Que les fans de Saez se rassurent, il n'a pas perdu pour autant son regard aiguisé sur notre société et ses opinions politiques, qui ont bâti sa réputation.
Une révolution à deux temps
Sur le premier CD de son manifeste, intitulé "L'oiseau liberté", Saez commence par adresser « une lettre morte » à la France sur "Mon pays je t'écris", reprenant des passages et la mélodie de sa ballade bouleversante "Les enfants paradis". « Mon pays, si je pleure, c'est pour nourrir la Terre, c'est pour nourrir les fleurs en l'honneur de mes frères ». Sur le fil, avec une prose délicate et une voix fragile, il épanche sa tristesse et se désole de l'état actuel de son pays, qu'il met sur le coup de l'inculture générale, pointant du doigt les hommes politiques. Il signe ici sans doute ses plus belles chansons, notamment avec "L'humaniste", au texte fort. « Je reste cet humaniste qui pense qu'on est tous égaux. Tous égaux devant l'injustice. Tous égaux face à nos sanglots ». Oubliez les sonorités rock de "Debbie" ou "J'accuse", les sept pistes proposées ici montrent une autre facette de l'artiste, abattu en apparence mais toujours prêt à lever le poing pour repartir au combat.
Après le calme, la tempête... Teasé par l'ultime piste du premier album, "Le dernier disque", Saez renaît de ses cendres et reste fidèle à sa réputation d'artiste engagé sur les trois chansons qui annoncent l'arrivée d'un deuxième volet, réunies sous le titre "prélude acte II". Le constat est d'abord cinglant : "C'est la guerre". Retrouvant sa verve acide sur une mélodie acoustique, Saez s'insurge sur les batailles menées à l'étranger, s'en prend aux réseaux sociaux Facebook et Twitter « qui violent nos enfants » et s'attaque aux médias ainsi qu'à notre société de consommation. Anti-capitaliste dans l'âme, le chanteur inverse le discours des politiques dans "Mon terroriste", où il accuse les financiers, les grands patrons et les politiques d'être des terroristes.
La sève et le givre. Saez déroute d'abord sur une collection de chansons dépouillées, avant de se relever et de partir en guerre. Sur l'ovni qu'est "Le manifeste, l'oiseau liberté", l'artiste mène ici une révolution à deux temps, montrant deux facettes complémentaires. S'il va souvent très loin et oublie les formats, Saez signe ici des textes intenses, qui marquent pour longtemps. Vivement la suite.
Julien GONCALVES
Source : www.chartsinfrance.net