On avait fini par perdre de vue Damien Saez depuis Messina, un triple album qui contenait trois fois trop de chansons. En somme, la jeunesse de Saez était partie avec les dernières notes de Marguerite sur nos iPods de 2008. Mais l'artiste revient par la porte d'un crowdfunding mystère...
Lorsque l’on parle Damien Saez, les réactions ne sont pas jamais tout à fait neutres. Curieusement tout le monde ou presque a un avis sur le chanteur autoproclamé maudit de la chanson française. L’artiste n’est pourtant pas dénué de qualités poétiques et musicales mais le personnage clivant et provocateur a choqué certains, lassé d’autres et conquis une fidèle communauté. Désormais, toutes générations confondues a eu son moment Saez.
Certains se souviennent de la manière à la fois dingue et maîtrisée dont il a mis le feu aux Victoires de la musique 2009. D’autres, souvent des trentenaires, fredonnent encore dans leur tête ce Jeune et con, hymne générationnel des bancs des lycées. Les millennials n’ont pas connu et trouvent leur révolte dans Orelsan. Un peu différent, certes.
Et si on crowdfundait Saez ?
Son dernier album Miami passa un peu inaperçu, certainement à cause du très lourd Messina qui était sorti à peine six mois avant et qui avait dérouté les moins fidèles du gourou punk Saez. Mais cette fois-ci, dans une France post-NuitDebout, notre troubadour revient avec des envies de révolution. Quelle révolution ? Une révolte politique, poétique, musicale et visuelle, nous dit-on sur Culture contre Culture, le site qui héberge le crowdfunding gramsciste du chanteur.
Ici, nul Kickstarter, seulement un site ultra-minimaliste façon Kanye West et un prix : 60 € pour partir en révolution avec Saez.
Révélé cette semaine, il y aurait déjà selon la sphère bouillonnante des fans du chanteur plus d’un millier de soutiens écoulés, soit au moins 60 000 € pour commencer sa révolution qui pour le moment n’est qu’une vidéo où Damien Saez prend des airs de Marcel Marceau sous champignons hallucinogènes. Les fans ayant financé l’artiste s’interrogent, alors que le chanteur a annoncé que son mystérieux projet durerait un an. Certains parient sur une tournée, d’autre un album, d’autres les deux.
Mais quoiqu’il en soit le mystère total qu’entretient l’artiste à coup de phrases chocs sur ses profils sociaux semble payer. Ce qui interroge c’est la nature indéfinie de ce crowdfunding, qui oblige les backers à littéralement « sauter dans le vide » comme le confessent les fans. Des fans qui ne semblent pas effrayés par leur investissement mystère, mais plutôt excités. Il faut dire qu’ils ont été habitués par les frasques et les projets du chanteur à qui l’on ne peut reprocher de ne pas innover.
Pour le moment, après s’être délesté de 60 €, les backers ont accès à un texte et une vidéo. C’est peu, mais ce n’est que le début du projet Manifeste qui doit s’étendre sur toute l’année. Serait-ce alors une forme de fanzine musicale ? En tout cas, l’objectif politique n’est pas cachée par le chanteur éternellement engagé qui a écrit à destination de ses backers : « L’Art du poète commencera la lutte populaire ».
Nous souhaitons en tout cas aux fans et au chanteur une belle aventure musicale dans le monde du crowdfunding, qui encore une fois prouve que la musique n’est pas morte dès lors qu’elle sait parler aux âmes des mélomanes. Comme conclut un amateur, Viper82, : « C’est juste pour dire, regardez, les gens sont prêts à payer pour de la musique si on ne leur vend pas de la merde ».
Corentin Durand
Source : www.numerama.com