Comme il l'avait fait à Marseille et Lyon la semaine précédente, Damien Saez était attendu le 4 mars à Nancy pour une audition privée de son nouvel album, en présence de professionnels, représentants des médias, disquaires, etc. Il n'est finalement pas venu, confirmant un peu plus sa réputation de personnage hors norme. Organisée sous les ors de L'Arquebuse, haut lieu de la vie nocturne locale, cette soirée n'en a pas moins constitué un moment inoubliable de musique. Programmée en boucle, sa dernière réalisation, double, mélange avec un bonheur incroyable de musique classique et électrique. De son passage au conservatoire de Dijon, le jeune pianiste maintes fois primé a tiré sa capacité à donner une virulence troublante à ses partitions acoustiques. Son second CD, "Katagena", mêle claviers et cordes dans la plus absolue des audaces phoniques. L'introduction de ce concept, où se trouve remis en forme le pathétique de l'aventure humaine , est un modèle du genre. D'un enregistrement à l'autre, d'une guitare saturée au lamento d'un violon, les thèmes se répondent et s'entrechoquent, tous désespérés. Entre le "jeune prodige" et Nancy existe une tendre complicité. C'est au Terminal Export qu'il a donné son premier concert au printemps 2000. A la fin de l'année, il était de retour dans le cadre de NJP. Il ne devrait pas tarder à revenir... après avoir réglé ses démêlés avec la Justice... Le 6 Mars, en effet; Damien Saez était convoqué devant la cour d'appel pour débattre sur sa condamnation à six mois de prison ferme pour insoumission à l'autorité militaire."
Après le succès phénoménal de "Jours étranges" (1999), Damien Saez nous offre un tour de manège hallucinant sous forme d'un double manifeste intitulé "God Blesse". D'une richesse musicale impressionnante, ce projet conceptuel et particulièrement ambitieux enchaîne à un rythme effréné, sur fond de loopings obsessionnels, rock (dé)générationnel ("J'veux du nucléaire", "Solution"), ballades subliminales intimistes ("So Gorgeous", "No place for us", "J'veux qu'on baise sur ma tombe", "Be my princess", "Light the way", "Isn't it love I", "A ton Nom"), techno hardcore a corps ("Sexe"), thèmes classiques aux orchestrations luxuriantes ("Lignt the Way - Interlude", "Thème I", "Thème II"), pop songs imparablement tubesques ("Isn't it love II", "Perfect World"), délire néo-psychédélique à dominate instrumentale ("WTC"pour World Trade Center, "Route 666", "Ice cream on an acid trip") et chansons s'inscrivant dans la grane tradition française ("Les condamnés" "Saint Petersbourg", "Massoud", "Les Hommes", "Usé", "Menacés mais libre"). et "Voici la mort", clef de voûte céleste et majestueuse, éclair de génie frappant l'âme en plein ciel, renvoyant les Dieux dans les cordes misérables qu'ils ont passées au cou de l'humanité. Symphonie d'un chaos annoncé, lithanie d'une désespérance maladive, chronique d'un monde aliéné en pleine implosion, "God Blesse" démontre magistralement que Damien Saez assure la relève et tisse le lien (non seulement en tant que chanteur à la voix aux multiples octaves, mais aussi et surtout en tant que compositeur flamboyant et auteur virulent) entre Jacques Brel, Léo Ferré, Edith Piaf et Noir Désir. Ce disque bouleversant possède toutes les chances de provoquer un cratère dans le paysae musical hexagonal: il insuffle le même esprit de révolte maligne et contagieuse qui émane du couvercle d'un piano évadé du Conservatoire, ou de la distorsion névralgique d'une guitare saturée.
Chapeau bas, Monsieur Saez.