Sixième album de Damien Saez le plus grand rockeur français contemporain, J’accuse est un retour aux sources et, disons-le, au bourrin. Cet album sorti en 2010 signe une période résolument plus violente que les précédentes dans le parcours musical du chanteur, tout en conservant l’essentiel de ce qui en constitue l’univers musical.
Si bien entendu on a toujours su que Saez était non seulement mu par un sentiment profond de rébellion vis-à-vis de la société occidentale, seuls quelques titres l’affirmaient jusqu’ici clairement. On pourra citer les très célèbres Fils de France, Jeunesse Lève-Toi ou le plus confidentiel (et énervé) J’veux du Nucléaire. Dans cet album, le chanteur se concentre sur son message de révolte et fait donc passer au second plan les circonvolutions de ses états d’âmes romantiques pour privilégier le gros rock engagé et le bourrinisme assumé. La chanson J’accuse, dont le titre est emprunté à Emile Zola, est l’illustration parfaite de cette volonté du chanteur d’y aller franco. Logiquement, c’est elle qui donne son nom à l’album.
Pour autant, cette orientation vers une musique brute et engagée est réalisée avec la maestria habituelle de l’artiste. L’album est construit en deux parties et commence fort avec l’essentiel du message engagé sur les dix premières chansons aux sonorités punk. Mis à part Les Anarchitectures qui ouvre l’album sur trois minutes de chant a capella, la première moitié fait la part belle aux grosses instrumentalisations saturées et aux textes au vitriol notamment dans Pilule, Cigarette, Des P’tits Sous et Les Cours des Lycées. Au fur et à mesure, les thèmes se font un peu plus personnels, ou en tous cas plus positifs. A la fureur et la rébellion du début se superpose une touche d’espoir romantique. Les chansons Les Printemps, mais surtout Marguerite (magnifique !) et Tricycle Jaune amènent une touche de lumière dans les ténèbres du smog dépressif alors que la saturation de la guitare électrique est petit à petit remplacée par un son plus naturel de guitare folk.
J’accuse se distingue donc des albums précédents par des thématiques plus orientées sur la dénonciation politique et sociétale, mais participe également à (ré)affirmer le génie musical de Damien Saez. Par une écriture à la fois nerveuse, violente et profondément travaillée, il confirme dans cet avant-dernier album sa position incontournable dans le paysage du rock français actuel. Alors que les grands frères de Noir Désir ne sont plus et que la tendance internationale est plus volontiers tournée vers le pop-rock beaucoup plus consensuels des Radiohead et consors, Saez reste fidèle à lui même. Libertaire, torturé, désespérément romantique et loin, très loin au dessus de tous les autres.
Saint Epondyle
Source : saint-epondyle.net