ls dénoncent tous les deux, en même temps, la dictature de la société de consommation.

Le chanteur Damien Saez a mis une femme nue dans un Caddie. Cette affiche de promotion de son dernier album provoque un de ces mini-scandale que la publicité est accoutumée de soulever. Le visuel a été refusé par les principales sociétés d’affichage. L'Autorité de Régularisation Professionnelle de la Publicité considère avec raison que l'affiche « présente un caractère dégradant pour l'image de la femme ».

Le court métrage Logorama, couronné aux oscars, s'attaque lui aussi à l’invasion des marques dans notre quotidien. Ses héros mènent une course poursuite dans un univers submergé, saturé de publicité jusqu’au malaise. Résultat : deux oscars, les seuls que la France ramène de Hollywood. Les lauriers sans le scandale.

Deux messages identiques, deux accueils opposés. Parce que la réalisation n’est pas la même. La différence, c’est le talent des auteurs de Logorama, une certaine retenue par rapport au sujet, une finesse dans l’expression, une conviction servie par une démonstration habilement menée. En face, la photo de Damien Saez a beau être signée Jean-Baptiste Mondino, elle n’est guère là pour l’esthétique. Elle sent le scandale étudié, préparé pour vendre, quelqu’en soient les moyens. Dans une société de consommation mature, un procédé aussi massif n’abuse plus personne. Le consommateur ne sourit plus devant la grosse ficelle de l'art, recouvrant le procédé commercial le plus basique, facile et éculé du monde. Tout ce qu’on déteste, même si cela marche puisque Damien Saez n’aurait jamais surgi à ce point dans l’actualité sans ce marketing de la médiocrité.

Logorama, lui, montre l’invasion des marques. Un coup d’œil d'artiste, avec sa part d'exagération, sur la société contemporaine. Un thème plus profond qu'il n'en a l'air, agrémenté d’un scénario amusant, reposant sur un travail de Bénédictin des auteurs et des dessinateurs. Résultat : aucune marque ne s’est plainte, assurait hier le producteur français. Ont-elles peur d’en rajouter dans la publicité négative ? Peu importe. La publicité peut dire pas mal de choses, mais pas n’importe comment. Plus n’importe comment. Le seuil de saturation s’est élevé chez les consommateurs, la tolérance est moindre. Il y a une lassitude devant les attaques gratuites imposées par la publicité ou les médias, devant les prétextes trop apparents alors qu’il y a tant de domaines qu’on n’aborde qu’à pas feutrés, tant de non dits. Logorama traite justement un non-dit. Damien Saez ne dit, en réalité, rien du tout.

Marc Baudriller

Source : medias.blogs.challenges.fr