Une année entière passée sous les feux des projecteurs n'auront pas eu raison de l'ambition de Saez. Après Jours étranges, Damien repart de plus belle pour nous offrir un 2ème opus qui en surprendra plus d'un. Entre indus, rock, musique classique, punk ou hip-hop, le nouveau pari semble démesuré et sortira en septembre ou octobre prochain sous la forme d'un double album intitulé Le Testament. La mort annoncée n'aura pas lieu...
Qu'est-ce qui s'est passé lors de ces derniers mois ?
On est entrés en studio en février pour composer les maquettes. La semaine prochaine (Fin mars, Ndlr), on va enregistrer les cordes à Londres et à partir d'avril, on sera en studio à Paris pour enregistrer véritablement.
Par rapport à l'équipe en place autour de toi, il y a eu des changements ? Antoine et Franck sont plus en avant aujourd'hui ?
La base reste la même, on conserve le même noyau. Il y a pas mal de morceaux que Franck a composés avec moi. Il y a 2 ou 3 titres qu'il a fait tout seul et il y a aussi 2 ou 3 textes d'Antoine... Pour la batterie, c'est décidé aussi, on va enregistrer avec le batteur de Portishead.
L'album est toujours prévu pour sortir sous la forme d'un double CD ?
Oui, totalement. Là, on part sur l'enregistrement de la partie acoustique, mais on a déjà fait la maquette de la partie électrique.
La partie électrique sera particulièrement énervée comme peut l'être Titanic ?
Il y a beaucoup de choses en définitive. Cette partie sera totalement éclectique. Il y a des chansons qui vont vers quelque chose comme Trust, et en même temps d'autres titres font penser aux Beastie Boys en 85...
Il y aura aussi un côté hip-hop sur l'album électrique ?
Tout à fait, mais ce sera du hip-hop à la Cypress Hill. Dans cette tradition-là en tout cas...
L'orchestre de cordes à Londres, c'est pour la partie acoustique ?
Ouais. L'idée, c'est d'arriver à un vrai mélange entre certains classicisme et un son plus moderne. Ca va un peu ressembler au premier morceau qu'on avait joué à Paris, à l'Elysée Montmartre avec l'orchestre philharmonique en plus. Ce que je veux faire, c'est avoir ce côté complètement classique mélangé à des boucles à la Nine Inch Nails. Le but, c'est d'avoir une réelle antinomie dans la musique. C'est aussi pour ça qu'on a fait appel au batteur de Portishead et que ça le branche autant.
Trent Reznor, c'est quelqu'un que tu apprécies en tant que musicien ?
Je suis fan parce que j'aime ce côté indus. En plus, je me dis qu'avec l'apport d'un orchestre, l'arrivée peut être vachement belle. Quelque chose de spé, mais avec une vraie identité. C'est un peu ce qui m'a toujours manqué chez Björk ou des gens comme ça où il y a cette recherche. Ce n'est jamais assez crade pour moi, ce n'est pas assez rock. Un véritable son dur et electro avec 30 musiciens à cordes, ça le fait...
Rock, hip-hop, classique, punk. C'est un projet ambitieux...
C'est vrai que c'est assez gros. Ca fait un peu flipper la maison de disque, parce qu'ils ont peur qu'on se ramasse, mais quelque part c'est ce que j'ai toujours voulu faire, depuis le début.
Au niveau des textes aussi, il y aura du changement ?
C'est clair. Pour l'album acoustique notamment, il n'y aura que 5 ou 6 chansons, le reste sera instrumental et c'est vrai que les textes n'ont rien à voir avec ceux de l'électrique. C'est vraiment autre chose. Les textes sont beaucoup plus poétiques. Il y a une chanson qui s'appelle St Petersbourg, qui parle du siècle qui s'est passé, du communisme, mais de façon très poétique... Il y a ce passage par exemple : "A St Petersbourg, la neige tombe et c'est le sang du ciel couvrant le siècle rouge d'un drapeau blanc." Ce sont des textes toujours engagés, mais peut-être plus discrets, plus imagés. De l'autre côté, la partie électrique est plus directe. Par rapport au précédent album, il est vraiment sans concession.
Ca veut dire que sur le premier il y avait eu des concessions ?
Non pas spécialement, mais je crois qu'entre-temps je me suis plus retrouvé dans la scène. Devant le public, il y avait des moments où ça s'excitait beaucoup plus que sur l'album. Je me suis plus accompli là-dedans et c'est pourquoi je pense que le premier album n'était pas un total accomplissement.
La réalisation devait être assurée par John Leckie (Radiohead). C'est confirmé ?
Honnêtement, je ne veux pas être méchant par rapport à eux, mais en ce moment, je suis un peu saoulé avec tous ces Coldplay, Muse... Ils ont tous le même son, tout se ressemble et ça me fatigue un peu. On est en train de voir avec qui l'on va bosser pour la réalisation, mais on cherche plutôt dans d'autres directions.
Concernant les Victoires de la musique, pourquoi avez-vous fait le choix de venir chanter là-bas ?
Rien que pour le plaisir. Dans le texte que j'ai fait, j'ai repris le texte de Solution que j'ai modelé pour l'occasion. Devant cet amphithéâtre du show business, de voir tout ça et d'enchaîner avec : "Trop de merde à la télévision...", ça me faisait plutôt plaisir. Ce qui m'éclate d'autant plus, c'est que dans la salle, le volume sonore était tellement fort que quand tu vois des gens quie se bouchent les oreilles, tu trippes vraiment. Et puis quelque part, on fait aussi partie de la génération TV. On n'aime pas ce qui s'y fait, mais on fait quand même partie de cette génération. On se plaint toujours de ce qui passe à la télé, et en même temps on ne fait rien pour changer ça. Au bout d'un moment, à force d'avoir ce raisonnement, on ne peut pas se plaindre. Si tous ceux qui estiment faire de la qualité refusent d'y aller, ça ne risque pas d'évoluer. Et puis, je crois que le caractère un peu branleur que j'ai n'est peut être pas celui des personnes qui snobent ça. Eux restent plus dans un registre intellectuel, à réfléchir tout le temps au pourquoi du comment. Pour moi, rien que de me dire que je vais leur faire boucher leurs putains d'oreilles, qu'on va envoyer la purée et qu'à un moment donné, ça va me faire plaisir d'hurler : "Encore une soirée où la jeunesse France...", ça m'a éclaté. Et puis, c'est une mascarade, mais les gens ont la possibilité de jouer live. Ce qui fait la différence avec les autres 20h30...
De plus en plus de jeunes artistes viennent pour dénoncer telle ou telle chose. Au bout d'un moment ça peut perdre son impact, non ?
Moi, ce qui a tendance à me faire plaisir, c'est quand quinze jours, trois semaines après les Victoires j'entends qu'à Paris il y a eu des manifestations d'étudiants contre Mc Donald's. Quand je vois ça, je me dis que sans le vouloir, on a les mêmes pensées, c'est-à-dire que lorsqu'on va chanter trop de Mc Do à la TV, en même temps c'est également un truc d'aujourd'hui. D'ailleurs de mon point de vue, la lutte se situe plus dans un domaine que dans un autre...
Lequel ?
Ce système de consommation, cette mondialisation dont je suis partie intégrante aussi. Nous on a le beau rôle puisqu'on y est et on peut le dénoncer. On reste libres dans la démarche, mais que ce soit Vivendi ou Mc Donald's c'est le même combat. C'est plus là-dedans que se situent mes préoccupations.
Tu as commencé le morceau avec une reprise de Dido, pourquoi ?
Ca s'est fait au feeling, chacun y prend ce qu'il veut. Mais déjà, je ne connaissais pas le morceau original de Dido. En fait, je ne sais pas vraiment pourquoi j'ai fait ça...
Et Eminem qui s'est déjà inspiré de ce titre, t'en penses quoi ?
J'aime bien l'arrogance donc je n'ai pas de problème avec ça. Après, il faut ce qu'on attend de ces gens-là. Personnellement, je ne m'attends pas à ce qu'il soit intelligent, sinon je pense qu'il ferait autre chose, ou qu'il parlerait différemment. Mais quant aux rapports avec les médias et tout ça, le côté provocation gratuite, je trouve ça marrant. C'est le côté fun du truc.
Pour finir, tu as pas mal de détracteurs et tu t'es mis certains organisateurs de concerts à dos, comment expliques-tu ça ?
Franchement, je m'en branle... Maintenant ils ont peut-être raison car ce genre de réponse, c'est le propre du branleur. Pour ce qui est des organisateurs de concerts, il y a des raisons pour ça. Des organisateurs qui acceptent que la sécurité mettent des baffes au public qui vient à mes concerts, je les emmerde et je leur pisse à la raie. Ils ont beau être dans le milieu du rock depuis 20 ans et bien je leur pisse tout autant à la raie. Par rapport à ça, j'ai même annulé un concert. A Caen, c'était la fin du concert, on est resté sur scène pour signer des autographes et il y avait un mec de 40 ans qui me demandait de jouer Montée là-haut. Le mec me raconte son histoire, il me parle de son frère qui est mort l'année d'avant et il se met à chialer... On s'est dit qu'on allait la jouer surtout qu'on l'avait pas faite durant le concert. Et puis, la nana qui s'occupait de la salle à commencer à nous dire : "C'est terminé, il faut que je libère ma sécu, tout le monde dehors...". On commence à lui expliquer un peu, et là les mecs de la sécurité sont venus prendre le mec violemment pour le foutre dehors. On s'est retrouvé à Rouen pour le lendemain et c'était la même équipe qui s 'occupait de la sécurité, on a annulé... C'est des histoires comme ça qui font que ça a pu dégénérer à certains moments. De toute façon, je me fous de l'image que l'on peut véhiculer. C'est en rien important par rapport aux chansons qu'on fait. On est là pour faire de la musique, point final.