Saez. Damien Saez. Vous situez ? Pas forcément. Mais si, écoutez : "Encore un jour se lève sur la planète France / Et je sors doucement de mes rêves, je rentre dans la danse... Puisqu'on est jeune et con / Puisqu'ils sont vieux et fous / Puisque des hommes crèvent sous les ponts / Mais que ce monde s'en fout". Voilà, vous y êtes. Jeune et con, donc. Et aussi Sauvez cette étoile, deuxième hit en devenir. Ce jeune chanteur de 23 ans a tranquillement vendu quelque 60 000 exemplaires de son premier album Jours Etranges. Et ce n'est pas fini.
Gueule d'ange, limite boys band, et pourtant Saez se fait un devoir de ne pas mettre son physique en avant. Le cas relève plutôt du ténébreux romantique, sincèrement révolté, un brin poseur et provoc, déprimant mais pas pessimiste. Entre rock et ballades, naïveté et maturité, il est la preuve vivante que dans cette "jeunesse France", il n'y a pas que des "pions". "Je crois en effet que tout est possible. C'est un des avantages du monde dans lequel on vit. Il faut y croire, avoir du courage, se remettre en question, accepter de se prendre des baffes..."
Reprenons.
Jeunesse modeste et sage à Dijon. Bac et conservatoire de piano. Satisfait de sa formation musicale ? "Oui et non. Oui, car c'est la musique dans toute sa complexité, un apprentissage énorme, des dons qui se dévoilent par rapport à l'oreille. Il s'agit d'une réelle étude. Quelque part, ce sont des mathématiques en musique, avec le caractère émotionnel en plus. Et non, parce que l'on étudie des génies mais on ne laisse pas de place à l'identité de chacun. On comprend que l'on ne sera jamais à leur hauteur." Résultat ? Départ pour Paris après le lycée.
A-t-il à un moment précis choisi ce métier ? "Je répondais en disant que c'était ce que je voulais faire. Il y avait beaucoup de musique à la maison, c'était un peu mon compagnon de voyage à travers les années, une sorte de prédestination. J'écoutais plutôt du rock et du jazz alors que je jouais du classique : ça m'a donné une ouverture d'esprit." Parmi ses autres influences artistiques, Zola, Baudelaire et Rimbaud. Sa conscience sociale, il dit la devoir à sa sensibilité. "Ne pas accepter. Etre trop ému pour se taire. Ne pas être blasé." Rencontrer "le Moyen Age à chaque coin de rue" n'en finit pas de l'écœurer. Jusque là, il a choisi les mots pour lutter. En espérant avoir un jour le courage de dépasser ce stade.
Peut-on parler de compassion ? Le jeune homme aurait tendance à rejeter le caractère chrétien de ce mot. Pourtant ses textes ne manquent pas d'anges, de ciels, d'étoiles... Une de ses chansons s'intitule même Hallelujah ; une autre Montée là-haut. Il préfère explorer d'autres pistes de réponses : "Je n'arrive pas à me contenter de l'introspection. C'est trop nombriliste." Mais revient sur la question de la religion : "La seule chose que je respecte, c'est la faculté de croire des gens. Ca leur donne une réponse à la mort et c'est déjà pas mal. S'en tenir aux raisonnements scientifiques pour répondre à la mort n'est pas très gai." La mort lui fait peur. Comme une angoisse lourde, d'autant plus terrifiante qu'il n'y a jamais été confronté.
Au cœur de ses textes, encore, la drogue ou le constat que les jeunes ne sont pas heureux. "Comment peut-on être heureux devant un écran d'ordinateur ? Je trouve ça bête et dommage. C'est une télé améliorée. Il y a trop de temps perdu. Il faut un peu de vie." Il trouve pourtant normal que la jeunesse se reconnaisse dans ses textes. Il parle d'eux tout simplement. Mais au fait, et l'amour dans tout ça ? "Je ne sais pas. L'amour est individuel. De toute façon, je ne l'ai jamais rencontré, mais ça ne me traumatise pas."