D'emblée, on reconnaîtra au Français Damien Saez une bonne dose de courage et de ténacité. A son âge, il aurait pu prendre en marche le train de la musique électronique et se perdre dans la foule sans que personne ne lui demande son billet. Au contraire, il a opté pour la singularité en s'exposant, lui et ses doutes. Ce premier album ressemble à une mise à nu : sans aucune coquetterie, Saez y dévoile ses états d'âme. Par l'intermédiaire d'un rock à fleur de peau parfois naïf mais souvent touchant, il nous donne sa propre vision du monde, pessimiste, dure à encaisser. Entre le cruel Jeune et con - le tube de l'album - et la poésie sauvage de Sauver cette étoile, le jeune chanteur se montre parfois défaitiste mais n'apparaît jamais résigné. "J'veux m'en aller / Mais je veux pas crever / Dans cette inhumanité ", clame-t-il sur J'veux m'en aller. Même si, selon lui, la vie prend la forme d'un combat fortement inégal, Saez préfère continuer à lutter. Pour rendre intense ses textes, ce petit frère de Noir Désir - en plus révolté - et fan évident de Radiohead, a choisi l'énergie des guitares, le fracas grunge. Ecouter Jours étranges revient souvent à recevoir sur les épaules une chape de plomb : Saez n'est pas là pour rire ou plaisanter, il préfère frapper fort, utiliser les mots qui font mal. Pourtant, en une seule occasion, l'ambiance gagnera en légèreté. En fin de parcours, Saez se permet un petit plaisir : revisiter le standard jazz My funny Valentine, mince rayon de lumière d'un album sombre mais prenant.
Vincent Brunner