La moue boudeuse et le regard las, (Damien) Saez n'offre pas de prime abord un excessif sentiment de gaieté. Calfeutré dans son pull en laine, le jeune homme de 22 ans nous reçoit après une très laconique interview pour un confrère, au cours de laquelle il a parcimonieusement commenté quelques titres de son premier album, Jours étranges, condensé de petits hits radiophoniques. Un album efficace, une gueule de jeune premier et, surtout, une attitude de constante rébellion qui, à défaut de toujours convaincre, suffit pour que le personnage excite notre curiosité.
A cheval entre rock indépendant et grosse machine commerciale, Saez cherche surtout à entretenir son statut d'artiste autonome : "Je n'ai pas d'agent, je m'occupe personnellement de mes affaires et tout se passe bien ainsi. Je ne suis pas affilié à une quelconque scène alternative, j'essaie de développer ma propre identité. Disons que j'apprécie le parcours de Noir Désir sous beaucoup de points de vue." Noir Désir, justement, Saez s'en est aussi inspiré pour sa musique, qui brasse avec quelque réussite les influences les plus évidentes du groupe bordelais. Des morceaux qui valsent entre la concision fébrile du rock made in France et la grandiloquence de certains titres "brit-pop". "Je suis très ouvert à ce qui se fait actuellement, mais mes principales influences se trouvent dans la musique des années 70. J'ai un respect absolu pour des songwriters comme Dylan, ou Brel en France. J'aime conserver à mes chansons des canevas qui leur permettent d'être interprétées avec une seule guitare acoustique."
Qu'il s'agisse de brûlots énergiques ou de compositions plus sobres et mélancoliques, Saez investit constamment dans des textes à prétention engagée, où l'énergie de la jeunesse est érigée en credo indiscutable. Avec le risque d'émousser l'acuité de ses propos au banal stéréotype des frustrations adolescentes : "La jeunesse des lycées a l'avantage d'être une source de révolte. Par rapport à l'immédiat après-68, on a connu une régression dans les rapports profs-élèves et un incroyable accroissement de la rigidité du système scolaire."
La misanthropie affichée par Saez se veut le reflet du monde où il évolue, mais peut-on vraiment s'offusquer des désastres de la mondialisation sauvage lorsqu'on est signé chez Universal Music ? "Je pense que les gens d'Universal me gardent parce qu'ils savent que je vais leur rapporter de l'argent. Mais moi, je les utilise comme une banque qui me prête les moyens pour promouvoir ma musique."