Pour beaucoup de gens, Saez n’est l’auteur que de quelques chansons comme « Jeune et Con », « Sexe » ou encore « Fils de France ». Et pourtant, rares sont les artistes français ayant eu une carrière aussi prolifique et intéressante.
Quelques mots sur les autres albums:
Chaque album du Monsieur aura été une surprise : Jours Étranges, son premier essai, lui aura permis de rapidement devenir une icône dans le paysage rock français. Un son assez brut, des textes remplis d’ironie, un mélange explosif et jouissif qui accompagnera Saez pour le reste de sa carrière. God Bless, succèdera à Jours Étranges. La surprise sera totale. Le public avait laissé le jeune artiste sur un album rock pour le retrouver sur un disque expérimental, mêlant le rock, l’électronique, les compositions classiques et acoustiques. Un double album d’une grande qualité qui montera une volonté affirmée de ne pas rester sur des acquis et de toujours chercher à aller plus loin dans les textes et la recherche musicale. Après un court album qu’il mettra à disposition de ses fans gratuitement sur internet, Saez revient avec son 3ème album, Debbie. Certainement son plus maitrisé à l’époque. Saez fournit un travail impressionnant sur les textes; au delà d’un simple travail sur la qualité de fond, l’attention apportée à la musicalité au travers de rimes, des assonances et des allitérations est réellement impressionnante. Ensuite vint le silence pendant quelques années.
Il reviendra en 2008 avec son premier triple album. Varsovie/Alambra/Paris, les deux premiers CD du triptyque Saez miseront sur le minimalisme, accompagné seulement d’un instrument et de sa voix, Saez se dévoilera au travers de textes empreints d’une grande sincérité. Paris sera lui légèrement plus « orchestré » mais restera proche d’un son acoustique. Ce premier triple album est une des pièces maitresses de l’œuvre de l’artiste. Certes, il ne s’appréhende pas facilement, il m’aura fallu plusieurs écoutes pour vraiment l’apprécier. Durant une trentaine de chansons, Saez nous fera traverser toutes les étapes d’une rupture, en commençant par l’annonce puis la colère, en passant par le désespoir et enfin l’acceptation… Il s’agit d’un album très dur, tant il est facile de retrouver en ses mots les sentiments qui peuvent nous tailler le cœur.
Après Lovers Prayer sorti sous le nom d’artiste Yellow Tricycle, que les gens considérerons, à tort, comme plus anecdotique, J’accuse viendra marquer une « nouvelle ère » pour Saez. Cette fois-ci, nous sommes très loin de l’acoustique, le son est brut de décoffrage, guitares saturées, batterie énergique, paroles directes, loin de mâcher ses mots, Saez n’épargnera personne, au point même où il finira par se contredire…
Messina
Il m’aura fallu plusieurs écoutes pour vraiment m’approprier un tant soit peu cet album tant il est complet. Mais dès la première écoute, je me suis dis « Wahou, quelle claque! ». Pourtant l’annonce d’un nouveau triple album m’avait laissé dubitatif, qu’allait t-il nous proposer ?
Autant le dire tout de suite, Messina est un très grand Saez ! Son meilleur? Je ne pourrais pas le dire tant j’aime les autres. Je dirais que Messina est un condensé de ce qu’il a pu faire de mieux sur l’ensemble de sa carrière.
Les Échoués, premier CD de ce triptyque, est lui assez Rock, mais pas forcément dans le sens de J’accuse. Il s’agit là d’un rock très subtile où les guitares électriques viennent s’ajouter aux grattes acoustiques. Que ce soit pour parler des maux de notre époque « Fin des mondes », « Les fils d’Artaud » ou encore « Into the wild » ou bien parler d’amour (un sujet maître pour le Monsieur), avec la très puissante « Marie », d’ailleurs pour ceux qui, comme moi, l’ont découverte en acoustique il y a maintenant quelques années, elle est ici sublimée. Au début, nous pensons forcement à Brel, la guitare, la voix et soudain les cordes!!! Fin bref… Il faut l’écouter. Elle est pour moi la meilleur chanson du CD ! Dans la forme, Les échoués se rapprocherait de Debbie, bien que ce ne soit pas la même ambiance qui règne ici.
Sur Les Quais est le deuxième CD de l’album, définitivement orienté vers J’accuse, nous retrouvons là un album rock aux paroles brutes de décoffrage et sans compromis. Dès « Marianne », nous comprenons que, non, Saez nous ne fera pas 3 CDs de chansons d’amour ! Il a des trucs à dire et compte les crier. Il s’agit du CD que j’apprécie le moins. Il n’en reste pas moins que certaines des chansons présentes sont supérieures à celles de J’accuse, « Rois demain » ou « Marianne » par exemple. Nous pouvons aussi retrouver la terrible « Ma petite couturière » que Saez avait mise en ligne, il y a quelques temps déjà. Personnellement, il s’agit de la chanson que je préfère sur cette galette.
Messina, troisième et dernier CD de l’album, est définitivement le meilleur et le plus sombre. Ça commence avec un thème musical, comme au bon vieux temps de God Bless, et pas seulement avec du piano mais aussi à grands coups d’orchestre symphonique, composé par Mr S himself ! Ce premier thème annonce assez bien l’ambiance du reste du CD. Nous passons ensuite à « Aux Encres de Nos Amours », qui commence piano-voix et qui, progressivement, tombera dans une déclaration d’amour mort, entraîné par l’ensemble de l’orchestre, jusqu’à un final classique impressionnant. Avec « Les Bals des Lycées », Saez énonce des souvenirs qui viennent nous hanter et qui nous tiendront jusqu’à notre mort. Messine se termine sur une chanson piano/voix, d’un grande douceur et sincérité « Châtillon-sur-Seine », est sans nul doute la chanson la plus disposée pour clore ce triple album, elle permet de finir sur une touche mêlant mélancolie, mais aussi réminiscence d’instant de vie joyeux.
En conclusion
Pour conclure, je pense qu’il s’agit là de l’album le plus abouti de Saez, et je ne suis pas le seul à le dire. Nous pouvons retrouver à la fois des chansons simples mais efficaces, de la rage, de l’amour, des orchestrations immersives, des textes sensibles, sincères et légèrement naïfs. Il suffit d’écouter comme les cordes vocales de l’artiste sont proches du point de rupture sur « Les magnifiques » pour comprendre qu’il chante avec le cœur. Alors bien sûr, Saez a une façon de chanter qui passe ou qui casse… Mais elle à le mérite d’être sincère, elle.
Et oui, Saez c’est n’est pas seulement « Jeune et Con ». Il y a un thème récurrent et primordial, que les gens semblent oublier, c’est le voyage. Voir des paysages, des cultures, rencontrer des gens d’univers différents et loin du notre. Cette notion de voyage, on la retrouve à la fois dans le titre des albums, dans les paroles mais aussi dans l’ensemble de l’œuvre de Saez. Les gens ne retiennent que les chansons « d’amour » perdues, mais même dans ces chansons, le cœur se trouve dans le voyage et le transport. Cela me rappelle une phrase qui se trouve dans l’ouvrage « A ton nom » :
« Une chose me frappe chez notre jeunesse, nul ne part en voyage. C’est vrai, il y a eu une génération où le voyage faisait partie d’une réelle initiation à la vie, le passage de l’adolescence à la vie d’homme. Mais pour nous, rien. Ah si, j’oubliais : la première capote »
Quoiqu’il en soit, Messina est un grand album et vu que la prochaine galette est prévue en Décembre, j’espère qu’elle sera dans la lignée de Messina… Mais comme avec Saez, nous pouvons nous attendre à tout J’attends d’écouter le CD pour en faire une chronique ici !
Source : www.dylancozian.com