Trois disques pour trois univers différents: c'est ce que propose Saez dans son septième album, "Messina". Les Killers, de leur côté, passent totalement à côté de leur sujet avec "Battle Born". Quant aux Suisses de 77 Bombay Street, ils peinent à convaincre avec leur deuxième album, Oko Town, trop sage. Damien Saez a à peine 35 ans, et pourtant on a l’impression qu'il anime le rock français depuis des lustres. Ecorché vif, grande gueule, celui qu'on a connu en 1999 grâce au tube "Jeune et con" livre déjà son septième album.Ce nouvel opus, intitulé "Messina", est en réalité un triple album. Chaque disque propose un univers bien spécifique: on passe du rock au classique, des guitares au piano/violon, des sonorités électriques à la musique acoustique.
"Betty" et "Marie", deux chefs-d'oeuvre
La première galette est la plus variée des trois. Tantôt éraillée, mélodique ou déclamatoire, la voix mélancolique du chanteur est mise à l’honneur. Deux titres ici se distinguent: "Betty" et "Marie". Après une ouverture similaire - musique dépouillée, chant emphatique -, ces chefs-d'oeuvre évoluent très différemment, le premier dans un registre très rock, le second dans un univers épique marqué par les cuivres.
Dans le deuxième disque, Saez réussit le tour de force d’unir Noir Désir, Jacques Brel et les Wampas. Ce syncrétisme atteint son summum avec le très rythmé "Légionnaire". La troisième galette fait, elle, la part belle aux cuivres et aux cordes, aux boucles mélodiques et aux envolées lyriques. Et dans ce style, la palme du meilleur titre revient à "Aux encres des amours".
Un petit défaut pour un très bel album
Au final, la grande variété des styles proposés par Saez ainsi que le soin apporté aux orchestrations font de "Messina" un album extrêmement réussi, sans doute l’un des plus aboutis du rockeur.
Seul véritable reproche à adresser au musicien français: un certain manque d’originalité dans la construction dramatique de la plupart des 27 morceaux qui composent cet album-fleuve.
En effet, nombreux sont les titres qui commencent tout en douceur, comme une complainte, prennent petit à petit de l’ampleur et se terminent en apothéose exaltée. Pas grave: même rabâchée, la recette fonctionne à merveille.
Les Killers pas loin du naufrage
Les Killers ne sont pas réputés pour leur style épuré. Jusqu'à présent pourtant, le groupe de Las Vegas avait su éviter le piège de l’excès de post-production. Avec "Battle Born", la limite est cette fois allégrement dépassée.
Plus on écoute cette quatrième galette, plus on se dit que les Killers se sont Cold- play-isés ou U2-isés. Trop de ballades, trop de guimauve et d’émotion pour un album au style beaucoup trop rétro.
Quelques rares titres permettent néanmoins aux Killers d’éviter le naufrage complet. Très frais et très américain, "From Here On Out" en fait partie, tout comme slow langoureux "Be Still".
La pop trop sage de 77 Bombay Street
77 Bombay Street incarne, avec Sophie Hunger et Bastian Baker, le renouveau de la pop helvétique. Les quatre frères Buchli, venus des Grisons, chantent en anglais, condition sine qua non pour un succès international, semble-t-il.
Avec "Oko Town", le groupe conserve la fraîcheur qui avait fait mouche en 2011 avec "Up in the Sky". Ce deuxième album sait même se faire entraînant sur certains titres, dont "Wake Me Up" et "Clown", de loin la meilleure chanson du disque.
Pourtant, le tout manque de sel. Trop acidulé, à défaut d’être insipide. Les Grisons ont oublié ce qui donne du goût à la bonne pop: un zeste de folie.
Didier Kottelat
Source : www.rts.ch