Gonflé. L'enfant terrible de la chanson sort un triple album (comme en 2008), sans promo ou presque. Les journalistes n'ont pas pu l'écouter en amont ; dommage, ils auraient pu en parler — en bien — le jour J. Car tout au long de ses 27 plages, Messina déverse un tel flot de rage, de combat et d'amour, qu'on ne peut rester planté sur ses berges. Il nous emporte, nous submerge, nous noie, nous ranime. Qu'on le veuille ou non, il impose son rythme — et ses ruptures de rythmes.
Ses deux premières galettes, d'abord, entre chanson à la Brel, rock à la Noir Désir et énergie à la Louise Attaque. Thèmes obsessionnels : coups de gueule contre la finance qui jette sur le carreau des millions de laissés-pour-compte ; coups de griffe contre le dieu Consommation qui règne sur ses sujets ; cris de rage face à une République privée de son âme. Damien Saez est tempétueux, grandiloquent, fougueux, à mille lieues de la pop millimétrée qu'on entend sur les radios, ou de la néo-new wave à la Daho tellement en vogue ces temps-ci. Il y a toujours quelque chose d'adolescent chez lui, une interprétation parfois trop théâtrale (Aux encres des amours), et des structures répétitives (on ne compte plus les chansons qui se déploient en boucle, sur un ad lib. interminable).
Mais il y a surtout une énergie qui balaie les réserves. Le dernier volet de ce triptyque exalté parvient encore à sidérer par son introduction symphonique. Un troisième disque moins politique et plus amoureux, dans lequel Saez endosse un classicisme parfait avec grand orchestre, qui n'aurait pas dépareillé dans les films de Jacques Demy. Jusqu'au bout, atypique.
Valérie Lehoux
Source : www.telerama.fr