Avec Jours étranges, son premier album Saez, de son prénom Damien, un jeune Dijonnais, auteur-compositeur, est entré en production par la grande porte. Celle d’une major, multinationale de surcroît. Donc, chez Universal, on croit encore au rock français à textes. C’est bon à savoir. Et même si Saez a eu de la chance au démarrage, ce sont bien ses chansons inspirées qui le font comparer aux meilleurs du rock hexagonal. L’occasion de rencontrer ce chanteur qui a tout pour plaire. Du style, de la voix, l’âme un peu sombre, l’esprit un peu écorché. Rock, quoi!
Comment fait-on pour signer son premier album chez Island ?
J’ai eu de la chance. Je n’ai pas fait de scène, contrairement au parcours logique quand tu fais du rock. C’est mon éditrice qui a lié contact avec les maisons de disques pour présenter mes maquettes. C’était mieux ainsi car il y a des univers qu’il ne faut pas conjuguer. J’ai aussi eu la chance de rencontrer William Sheller. Je lui ai fait écouter mon disque. On a pas mal parlé, il m’a conseillé. Le personnage est intéressant. Il est ailleurs, complètement sur sa planète. C’est ce que j’aime en lui. En plus, comme moi, il a une formation classique.
Justement, parlons de ta formation, de ton univers musical.
J’ai toujours eu deux formations parallèles. J’ai fait le conservatoire de piano à Dijon, et mon apprentissage de la guitare tout seul, sans professeur. Le conservatoire t’apporte une connaissance de la musique, une énorme notion du travail musical. Mais au bout d’un moment, ça te fatigue. Trop de génies qui te dépassent. Tu comprends vite que tu ne seras jamais Mozart, et pourtant tu as envie de faire des choses. Au conservatoire, il n’y a pas du tout de place pour la composition. On te dit : "Interprète e qui s’est fait de mieux dans l’histoire de la musique. Etudie les classiques. Mais de toi-même ne fais rien car, de toute façon, tu ne seras jamais au niveau." C’est une culture d’interprète assez brimante. Je me suis donc mis à composer ma musique au piano et à la guitare, en autodidacte. La première chanson que j’ai composée , c’était Jeune et con. Je l’ai faite en six minutes dans ma chambre, un soir. Elle est sortie d’un jet, alors que d’autres titres ont été plus travaillés. Ce n’est peut-être pas la plus aboutie, pourtant je la trouve forte et spontanée.
Et pour les textes, comment te vient l’inspiration ?
Mes textes sont réalistes, mais je ne suis pas dupe de ce que je fais. Mon écriture est juvénile et franche. On a dit que c’était un peu naïf. Eh bien ouais! L’utopie aussi est naïve. Pourtant, faut-il vivre sans utopie ?
La plupart de tes textes sont assez pessimistes.
Je ne suis pas pessimiste. Plutôt sombre, mais... la dernière chanson de l’album, Petit prince, se termine par : "Allez viens avec moi, s’il faut toucher la lumière." Ce n’est pas le noir complet quand même!
Ton état des lieux de la jeunesse n’est pas très brillant.
J’ai parlé des choses que j’ai vécues avec mes dix potes à Dijon. Si je suis le porte-parole d’une jeunesse, c’est avant tout de la mienne. J’ai 22 ans, et quand j’ai écrit ces chansons, j’en avais 20... J’imagine qu’à Paris c’est la même chose. En plus condensé, avec plus de paroxysme.
Quel sont les musiciens que tu écoutes ?
En français, c’est Jacques Brel. J’aime beaucoup le partage d’émotions chez Brel, la culture de la chanson à textes et son côté social. Maintenant, je penche carrément pour les Anglo-Saxons. J’écoute du rock depuis tout petit. Un jour j’écoute Barbara, le lendemain les Doors. Ce mélange d’univers, c’est finalement le mien. En ce moment, j’aime beaucoup le dernier Placebo.
Quand on te compare à Noir Désir ou Louise Attaque, ça t’énerve ?
Le fait de trouver des ressemblances, finalement pourquoi pas ? Il y a des journalistes qui fonctionnent comme ça. Mais parler de décalque ou de copie conforme comme dans une première chronique de Libération (20/11/99), c’est vraiment mal interpréter. Dans la chanson Hallelujah, j’ai volontairement fait référence à U2. Pour moi, il n’y a aucun souci à m’inspirer d’univers qui me touchent. En revanche, la référence à Louise Attaque, franchement, je ne vois pas. On ne parle pas vraiment de la même chose, et nous ne sommes pas non plus dans le même moule musical. En ce qui concerne Noir Désir, il y aurait en effet plus de similitudes. Mais Noir Désir est un groupe de rock. Tous leurs morceaux, du début à la fin, sont construits sur une section batterie/basse/guitare. Et ils t’envoient la purée. Nous, au contraire, si l’on retirait toutes les séquences et les samples, on perdrait les trois quarts. Notre album est plus pop, au sens anglais du terme, plus electro avec plus d’univers que celui de Noir Désir.
Pour ta tournée, tu vas former une section instrumentale ou electro ?
La tournée a déjà commencé. On est six sur scène. Une section rock, mais il y a aussi beaucoup de samples envoyés. La batterie fonctionne également comme une boîte à rythmes avec des programmes (patches) qui démarrent quand on tape sur une caisse et suggèrent un univers. Avec le batteur et le bassiste, les deux musiciens avec qui j’ai fait l’album, on imaginait plutôt un live avec l’énergie rock, du genre : trois sur scène et vas-y! En même temps, on ne voulait pas se priver d’une ambiance musicale que seules les machines donnent. Alors, on n’a pas tranché : on a mêlé les deux.