Son premier album « Jours étranges » est venu secouer la chanson rock française.
"JEUNE ET CON", le genre de titre dont personne ne pourrait bien se remettre. Mais, à l'évidence, Damien Saez, vingt-trois ans, n'a pas l'intention de se laisser enfermer dans une imagerie de jeune rebelle en mal de vivre pas plus qu'il ne faudrait voir en lui le beau gosse à la tête perdue dans les étoiles qui fait craquer filles et garçons avec Petit Prince, l'une des douze autres chansons de son premier album, Jours étranges, venu récemment secouer le paysage de la chanson rock française.
Arrogant, sûr de lui et d'un seul coup fragile et incertain, voilà Damien Saez. « Un jour on me déteste, un jour on m'aime. Mais quand mon comportement n'est pas humainement tolérable, je n'ai aucun orgueil mal placé à dire excusez-moi. » Entier, décidé, têtu comme lorsqu'il rentre à la maison à Dijon, avec un bac S en poche, maths-sup, qui lui tend les bras et annonce à ses parents qu'il va partir avec sa guitare et ses espoirs pour Paris. « Ce n'était pas une fuite ou une réaction de révolte par rapport à ma famille, mais dans une idée romantique de la bohème. Il y a un texte de Rimbaud qui débute par cette phrase : »Je m'en allais«. C'est là que je me retrouvais. »
Damien Saez en d'Artagnan à l'assaut de la capitale. Les déplacements sur le territoire, il en a de toute manière l'habitude. Né à Saint-Jean-de-Maurienne en 1977, il va habiter à Marseille, Sisteron, Manosque, Dijon finalement à l'âge de neuf ou dix ans, avec sa mère, son beau-père et deux frères. Saez trouve un petit boulot à Bagneux, dans une société qui teste les machines à affranchir le courrier. « J'ai dû passer sept millions d'enveloppes, c'était comme dans la chanson de Gainsbourg, J'fais des trous, des p'tits trous . » Durant les trajets ou devant ses machines, il a des airs plein la tête, des textes qui se bousculent. Ensuite c'est le conte de fées plus vrai que les plus édifiantes histoires. Une éditrice aime son travail et sent qu'il y a un potentiel ; il réalise des maquettes avec le bassiste Marcus Bell et le batteur Jean-Daniel Glorioso, deux « pros » qui viennent grossir l'équipe formée par Saez avec ses copains de lycée ; Island Records, la maison de disques mythique qui a à son catalogue Traffic, King Crimson, Bob Marley, lui donne carte blanche et budget ouvert.
En studio, les années de piano classique ont façonné l'oreille de Saez. Il traque les défauts, a des idées d'orchestration et d'arrangements. « ON MANQUE D'UTOPIE » Le public est séduit par ce mélange de hargne rock et de douceur rêveuse. En concert, la voix traînante et lasse peut à tout moment perdre les pédales selon les humeurs, ce que renvoit la salle. Il y a le souci constant de ne pas décalquer le disque, une implication collective des musiciens, des éclats, la vision d'un chanteur habité par les personnages qu'il met à nu. « Il y a des moments, si on m'effleurait, je me casserais en morceaux. C'est ma vie, mon souffle que je suis en train de mettre devant tout le monde. » Jeune et con, Amandine, Rock'n'roll Star ou J'veux m'en aller sont vite devenus des hymnes. Saez y ajoute des reprises qui en disent un peu plus sur ce qu'il souhaite transmettre. My Girl, le thème de Smokey Robinsson et Ronnie White écrit pour les Miracles repris par Otis Redding, les Temptations... C'est la culture noire, la soul music avec ces mélodies directes et prenantes. Puis le thème de Titanic, avec une volonté de destruction de l'aspect icône de la chanson plus que de son interprète, Céline Dion. Ou de Pink Floyd, Another Brick in the Wall avec son refrain « We don't need no Education », nous n'avons pas besoin d'éducation. « C'est une naïveté, une part d'utopie qui nous manque aujourd'hui. Nous sommes terriblement informés et conscients de ce qui nous entoure. On sait trop bien que, sous les pavés, il n'y a pas la plage.»