Dans le bouquet de jeunes artistes rock qui fleurissent en France, le premier album de Saez “Jours étranges" ne dépareille pas.
Le disque commence rageur et rugueux : “Violence, puissance, inconscience/Entrer dans le monde de l’intolérance/Et ça fait de l’audience pour le peuple de France" ou “Sauver cette étoile" ou “Puisqu’on est jeune et con, puisqu’ils sont vieux et fous, puisque des hommes crèvent sous les ponts, mais ce monde s’en fout". Tout cela agrémenté de guitares lourdes et d’une voix de chat écorché. Damien Saez prend un mauvais départ dans la vie avec sa gueule de jeune premier et des slogans à trois francs six sous. Encore un jeune innocent dont la maison de disques ne fera qu’une petite bouchée de pain après avoir multiplié la vente des siens...
Et puis, et puis... la “valeur" artistique du jeune Dijonnais apparaît au fur et à mesure des chansons qui suivent. Le rock grumeleux cher à Dolly ou à Dyonisos ses collègues de scène, laisse place à des mélodies plus soyeuses. “Montée là-haut", homélie en arpège à une femme disparue. “Rock’n Roll Star" farandole ironico-rock sur les lieux communs du star-system dans lequel Saez prend garde de ne pas se vautrer. Et enfin une reprise aussi surprenante que réussie du standard de jazz “My Funny Valentine"; "Parce que mes parents écoutaient beaucoup de jazz à la maison et que j’adore la version de Chet Baker " explique t-il.
Avec l’illustre chanteur-trompettiste, Saez partage au moins une frimousse d’ange et une inexplicable fragilité. Peut-être un peu trop tendre, peut-être un peu trop franc pour ce monde de Tartuffe. Mais il est heureux que dans la cacophonie ambiante un tel talent ait la “voix" au chapitre.
Frédéric Garat.