Saez a tout pour déplaire : des fans assombris par la société, un single « Jeune et con » qui en son temps a fait figure d'hymne à la merde, il réalise des doubles-albums où parfois ses musiques se perdent, il concrétise avec brio de multiples envies qu'il n'entend pas repousser à plus tard et enfin il a une sacrée dose de confiance en soi. Avec « Debbie » il perce une nouvelle veine lugubre, sans compromis, vers ce qu'il appelle sa liberté artistique.
A part « Debbie » et « Marie et Marylin », sur ton nouvel album, il n'y a pas de tube en puissance ?
Carrément ! C'est peu-être pour ça que c'est un bon album. Je voulais un retour au rock alternatif des années 80. Ce qui est pire (rire) c'est que ce ne sont pas les deux singles qui sont les plus accessibles en radio. Là on lance « Marie et Marylin » et je pense qu'il n'y aura qu'un radio qui prendra le risque de la passer, mis à part les Ferra-rock, c'est le Mouv'.
T'en pense quoi de ce « boycott » ?
Il y a un côté revanchard. Dès que tu ouvres beaucoup trop ta gueule on te bâillonne. Si c'est un tube radio ils le passent et ils se taisent parce qu'ils peuvent faire du profit sur ton dos mais sinon ils ne jouent pas le truc en prétextant que c'est trop long ou trop quelque chose. En plus qu'est-ce qui est rock et qui passe en radio ? Rien ou presque.
L'album a moins de piano, tu en avais été dégoûté par le précédent album ?
On s'était dit pendant l'enregistrement que l'album devait être acide. Comme le piano a un côté mélancolique beaucoup trop beau je e voulais pas de piano... Ni de guitares acoustiques.
On sent même une envie d'aller voir ailleurs, avec une ambiance cuivrée ?
J'écoutais beaucoup Otis Reding, de la musique jazz. C'est un album feutré ! Il a le son du velours même si parfois il est saturé comme sur « Marie et Marylin ».
Tu parles beaucoup de la passivité, c'est quelque cose qui pourrait t'arriver ?
J'avais besoin de dire « tu » sur cet album. Parler d'un rêve que je pourrais faire. Avoir un regard, une observation sur les autres.
« Debbie » est un album qui va sûrement réconcilier les gens qui avaient été déçus par ton précédent opus ?
En même temps il va conforter des gens qui m'ont découvert avec le précédent. Ce qui était piano-voix sur « God Blesse » avec cette écriture particulière ne clachera pas avec ce nouvel album. « Jeune et con » est beaucoup plus difficile à concilier avec mes dernière productions.
Ce single ne t'a-t-il pas fait plus de mal que de bien en définitive ?
Possible... Je reviens encore d'une radio où un animateur m'a demandé de le jouer a capella... J'ai été obligé de lui dire que je ne faisais pas les feux de camps ! Je serais rentré dans le jeu, je n'aurais pas autant morflé. Mais mon second album m'a payé ma liberté. Grâce à ça, jusqu'à la fin de mon histoire musicale je n'aurais plus aucune pression. Personne ne pourra me dire « On attend cela de toi », à la manière de Beck par exemple.
« God Blesse » avait une sorte d'absolutisme discutable, que représente cet album deux ans après sa sortie ?
C'est un album d'un mec qui sort d'un succès. Il a bien fait trois fois moins de ventes que le premier mais on a fait au moins trois fois plus de monde sur scène.
Comment enregistres-tu tes album ?
Pour le dernier j'ai tout enregistré guitare-voix en laissant ensuite beaucoup plus de place au groupe pour qu'ils s'expriment en studio. J'étais moins directif en laissant tout de même des lignes de conduite comme « pas de machine », « faire un album fermé »... Je voulais quelque chose de shamanique, indien et transe.
Tu ne fait que de la promo avec la presse, c'est un choix ?
Je pense être trop franc. Y a des choses que je ne peux pas faire. Que je ne pourrais jamais faire. Je ne suis pas un dandy, pour passer à la télé il faut être un dandy. C'est pour ça que je limite mes interventions le plus possible. Je préfère dire non 20 fois dans la journée plutôt que de faire un truc qui me fait chier.
Tu sembles vivre en conflit avec la société (en règle générale) qui te fait vivre ?
Non, mais selon eux, il faudrait que je sois leur pote. Il faudrait que je sois un mec qui rentre dans le sérail. Mais je suis plus proche d'un artisan que d'un attaché de presse ou d'un chef de produit. Ils ne veulent plus d'un mec qui les fasse chier artistiquement et moi j'ai décidé de leur rappeler des choses.
Qu'est-ce que cela fait quand De Palme choisit l'une de tes chansons pour illustrer son film ?
J'ai été super content, et j'ai dit oui tout de suite. Ça aurait été Patrice Leconte je n'aurais pas accepté par exemple ! Je n'aurais pas fait la musique de « La Fille Sur Le Pont ».
Pierre DERENSY