« J’ai bouclé mon journal d’adolescence », c’est ce qu’il dit de son premier album, Jours étranges…
A 22 ans, même s'il pose sur le monde un regard très noir, Saez (dont on dit qu'il est le Balavoine rocker du prochain millénaire) a gardé intacte la soif d'absolu de son enfance. Résultat de ce curieux paradoxe : une musique décapante, des textes d'une lucidité implacable, une voix « puissante et écorchée », qui ne peuvent laisser personne indifférent...
« La musique est ma vie. Au sens propre comme au sens figuré. Je me souviens de l'époque où, chez moi, il n'y avait pas mon père, et le seul compagnon que j'avais, c'était le piano. C'est dans ce sens-là que je dis que la musique est ma vie. »
« Je ne voudrais pas que ça fasse prétentieux, mais c'est beaucoup moins impressionnant d'ouvrir un concert, seul avec une guitare acoustique, pour Massive Attack, aux arènes de Nîmes, que de passer une audition au Conservatoire. Parce que là, tout se joue en cinq minutes, et tu n'as pas le droit à l'erreur. Ce genre d'apprentissage t'apprend à relativiser... »
« J'ai commencé le Conservatoire assez tôt. J'y ai appris beaucoup de choses, j'en ai fait ma vie. Mais il arrive un moment où, soit tu y vas vraiment à fond et tu deviens interprète, soit tu craches dessus. J'ai craché dessus parce qu'il m'a donné la force de le faire. »
« Savoir que mes chansons vont être écoutées, je ne sais pas si ça m'intéresse. J'ai mis quelque chose en avant, après c'est chacun sa vie. C'est comme si je vivais dans un appartement avec des mur en verre. Les gens qui passent dans la rue peuvent regarder. C'est déjà pas mal. »
« Pour parler de cet album, il faudrait que je l'écoute. J'y ai mis pas grand-chose et toute une vie. Ce qui est bien, c'est qu'il ma ressemble. Il y a autant du Petit Prince en moi que du « jeune et con ». Je sus jeune et con. Un peu moins con que les autres, mais con quand même. »
« On m'a laissé faire mon album comme j'ai voulu. J'ai obtenu ce que j'ai demandé, je n'ai pas eu une remarque sur les arrangements ou les textes. J'ai choisi la pochette. C'est la liberté à 100%. »
« Après avoir décidé d'arrêter mes études d'histoire à la fac, j'ai pas mal roulé ma bosse et je me suis aperçu que, entre eux, les jeunes étaient très critiques et n'arrivaient plus à se retrouver autour d'idées et d'événements fédérateurs. »
« Même dans les pires galères, dans les moments d'ennui complet, il faut tirer profit de son vécu, et surtout ne pas perdre son temps. Il faut également une grande confiance en soi. Il ne set à rien de se décourager au premier échec, c'est avec de la persévérance, du talent et de la chance que l'on arrive à se faire connaître... »
« Très tôt, la vie m'a forcé à relativiser et à analyser les choses. Sinon je ne m'en serais pas sorti et je n'aurais pas trouvé ma voie. Donc, je pense être quelqu'un qui analyse et s'analyse en même temps. Et puis j'adore communiquer. Ce qui m'emmerde un peu dans ce verbe, c'est que c'est le mot du siècle, mais j'adore ça. J'adore discuter, j'adore aussi les gens qui ne vont pas aimer l'album et qui vont en même temps m'expliquer pourquoi. »
« Le fait est que je n'ai aucune envie de rester zen en ce moment. On ne parle pas assez de l'essentiel, et la faute en incombe aux artistes. Pas un qui ne s'attarde réellement sur ce que va devenir l'Europe, sur nos liens avec l'Algérie. A quoi doit servir la musique, sinon à exprimer l'insatisfaction ? A divertir ? Je n'ai jamais aimé ça. Prendre son pied à danser en boite, très peu pour moi. »
« Je n'ai pas la prétention de dire que je connais bien la chanson française actuelle. Mais je trouve qu'elle est triste à mourir en général, du moins celle que j'entends à la radio. »
« On peut dire que j'ai eu de la chance de pouvoir faire du piano, de pouvoir écrire et d'avoir une éducation un peu littéraire, d'avoir une mère qui m'a donné des coups de pied au cul et qui m'a même donné l'envie de me casser à 18 ans. Tout cela fait partie de la même chose. Si je ne l'avais pas fait là, je l'aurais fait à un autre moment. C'est une histoire de volonté. Si l'on ne croit qu'à une seule chose, au bout d'un moment, on l'atteint. »
Quoi de neuf ?« La comparaison, c'est une tare de journaliste. Mon album n'a rien à voir avec Noir Désir. Je fais de la pop pour ado. » Voici ce que répond Damien Saez à ceux qui s'obstinent à souligner de soi-disant influences... En écoutant son premier album, Jours étranges (déjà 50 000 exemplaires vendus), on s'aperçoit très vite que Saez n'est influencé... que par lui-même ! Du rock très rock, des ballades, il nous offre un mix original et bouillonnant qu'on ne se lasse pas d'écouter...
Lui, qui était au café de la Danse à Paris les 10 et 11 mai derniers, est reparti sur les routes pour une tournée à travers toute la France. Il sera à l'affiche, cet été, de nombreux festivals. Guettez-le, il le mérite !Judith Carraz